Se guérir
Question : Pourquoi ne faites-vous pas de miracles ? Tous les instructeurs en ont fait ?
Krishnamurti : Que voulez-vous dire par miracles ? Guérir les malades
corporellement, et ceux qui sont malades psychologiquement ? Les deux choses
ont été faites. D'autres l'ont fait et moi aussi je l'ai fait*.
Mais cela n'est d'aucune importance, n'est-ce pas ? Être guéri
psychologiquement est plus important qu'être guéri physiquement,
parce qu'être malade psychologiquement affecte le corps, qui, à
son tour, devient malade. Par conséquent, l'état de santé
psychologique est de beaucoup plus important que la santé physique -
ce qui ne veut pas dire que nous devions refuser le bien-être physique
; mais se concentrer simplement sur la santé physique ne provoquera pas
un bien-être psychologique. Tandis que, s'il y a une transformation dans
la psyché, dans l'esprit, cela agira inévitablement sur le bien-être
du physique. Le miracle que nous voulons tous, que nous espérons tous
voir arriver, est en réalité un signe de paresse, d'irresponsabilité.
Nous voulons que l'on fasse notre travail pour nous. Si je puis me permettre
de parler de moi-même, il fut un temps où moi aussi je faisais
le guérisseur ; mais j'ai découvert qu'il était bien plus
important de guérir l'esprit, l'état intérieur de l'individu.
Car, lorsque chacun de nous pourra trouver ses richesses intérieures,
il y aura une amélioration des maladies physiques. Celui qui se borne
à se concentrer sur les guérisons physiques peut devenir populaire,
attirer des foules, mais cela ne mènera pas l'homme au bonheur. Donc,
nous devrions nous concentrer sur la guérison du vide intérieur,
la maladie interne, la corruption interne, la déformation interne - et
cela ne peut fait que par vous. Personne ne peut vous guérir intérieurement,
et c’est cela le miracle de la chose. Un docteur peut vous guérir
extérieurement, un psychanalyste peut vous aider à être
normal, à être adapté à la société
; mais aller au-delà de cela, ce qui veut dire être réellement
bien portant, intérieurement vrai, clair, entièrement non corrompu
- cela, vous seul pouvez le faire et personne d’autre que vous ; et je
crois que se guérir soi-même complètement et sûrement
est le plus grand des miracles.
Krishnamurti
De la connaissance de soi.
Ed. Le Courrier du Livre, Paris, 1967.
*Dans
son petit livre autobiographique "Un éternel voyage" écrit
en 1966, Vimala Thakar fait le récit magnifique et émouvant de
ses rencontres et expériences avec Krishnamurti. En 1959, ses oreilles
commencèrent à lui causer de terribles soucis, provoquant saignements,
fièvre et des douleurs insupportables. Après une opération
sans succès, fin 1960, elle se résigna à mourir et se prépara,
tout en se sentant intérieurement d'un calme étrange et impénétrable.
Son dernier espoir était d'aller en Angleterre pour consulter des spécialistes.
À ce moment, elle revit Krishnamurti qui lui proposa son aide. Il lui
dit que sa propre mère lui avait souvent dit que ses mains avaient un
pouvoir de guérison. Cette offre la rendait perplexe, car elle craignait
de compromettre la pureté de sa révérence et de son affection
pour lui comme enseignant en devenant son obligée. Mais après
réflexion, elle accepta son offre et fut immédiatement soulagée
par l'imposition de ses mains. La fièvre et les saignements cessèrent,
et elle ressentit une libération précieuse de la douleur. Après
quelques nouvelles séances, sa faculté auditive redevint normale.
Vimala se rendit quand même en Angleterre où les spécialistes
confirmèrent sa guérison, et alla se reposer en Suisse sur l’invitation
de Krishnamurti. Elle passa quelque temps avec lui à Gstaad. Elle souhaitait
comprendre ce qui s’était passé lors de sa guérison.
Au même moment, elle faisait l'expérience d'un grand bouleversement
de conscience. Elle écrit : "Quelque chose en moi a été
libéré et ne peut plus supporter des barrières. L'invasion
d'une nouvelle conscience, irrésistible et incontrôlable... a tout
balayé."
Persuadée que ce changement était aussi lié à sa
guérison, son sentiment d’une dette envers Krishnamurti la mettait
mal à l’aise. Il dut la convaincre que cela n’avait aucun
rapport et que lui-même ne savait pas comment cette guérison s’était
produite. Il lui dit : "Tu as écouté les paroles. Ton esprit
est sérieux. Les paroles ont pénétré profondément
ton être. Elle agissent depuis toujours. Un jour tu as réalisé
la vérité. Qu’ai-je fait ?... Pourquoi en faire une histoire?"
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