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Méditer pour mieux vivre
par Lucie Dumoulin


Peu à peu, la méditation entre dans nos moeurs. Si la popularité ne sera jamais une raison de s'adonner à quelque activité que ce soit, on doit reconnaître que la méditation contribue à l'épanouissement de nombreuses personnes dynamiques et engagées. Ça vaut donc la peine d'y regarder de plus près.
Les pensées, il faut bien s'en rendre compte, sont très souvent superflues. Comme lorsque, en marchant dans la rue, on se passe d'incessants commentaires : « Celui-là a un gros pif. Celle-là est mal habillée. Quelle idée de porter une veste comme ça! » Dire qu'on pourrait marcher en paix et laisser les choses être ce qu'elles sont, sans porter de jugement.
Le pire, concernant les pensées, c'est qu'elles sont souvent néfastes : ressasser les vieux souvenirs ramène les mêmes vieilles souffrances, et le fait de se dire sans cesse qu'on sera enfin heureux quand on aura plus d'argent (ou plus ou moins de travail, un autre partenaire, une nouvelle maison, etc.) empêche la personne de faire adéquatement face à sa situation actuelle et, surtout, la prive de bonheur maintenant. Or c'est à ça que sert la méditation : amener graduellement l'esprit à cesser ses verbiages. Pourquoi?
Pour trouver la paix, évidemment.


La merveille de l'Assise silencieuse


Si elle se pratique depuis des milliers d'années dans plusieurs cultures et traditions, ce que nous appelons aujourd'hui la méditation nous vient de la spiritualité orientale et en particulier du bouddhisme. Nous parlons alors d'« assise silencieuse ». Certains préconisent la méditation pour relaxer et, ainsi, améliorer leur santé et leur concentration au travail, ce qui n'est pas rien. Les ambitieux de l'âme la pratiquent toutefois pour atteindre l'éveil, cet état de grâce parfaite. Quelles que soient les aspirations (s'endormir ou s'éveiller!), c'est en apaisant l'esprit que la méditation fait son oeuvre. Après, tout est possible (le regard juste, la non-peur, le lâcher-prise, la compassion...), si on y met le temps. Toutefois, comme le musicien s'entraîne avec des gammes pour être capable de jouer les pièces de son répertoire, l'adepte de la méditation s'exerce à libérer son esprit du verbiage pour vivre sa vie dans une relative paix. Pour être bien compris et intégré, cet entraînement demande un contexte approprié et une pratique assez régulière. Cela suppose d'abord un environnement paisible (bien que les adeptes chevronnés puissent pratiquer n'importe où, n'importe quand), mais aussi une posture : il faut absolument que le corps soit alerte, sans affaissement. Et, idéalement, du moins au début, un certain encadrement qui permettra au néophyte de « prendre le pli ».
Un élément non négligeable du contexte est très certainement la présence des autres adeptes : autant c'est difficile, chez soi, de prendre le temps de s'asseoir puis de rassembler l'énergie nécessaire à la pratique, autant le groupe de méditation offre un cadre stimulant ainsi qu'un soutien inspirant. En fait, pour qui n'a pas ça « dans le sang » ou n'est pas tombé dedans tout petit, joindre un groupe de méditation est souvent la seule façon d'entreprendre une pratique sérieuse. Tous les bouddhistes, d'ailleurs, comptent sur trois éléments pour soutenir leur vie spirituelle, tous aussi importants les uns que les autres : le Bouddha et ses enseignements, la voie et la communauté de pratique.
Enfin, combien de fois par semaine doit-on s'adonner à la méditation? Il faut agir avec assiduité, tout simplement. Si, au début, la pratique de la méditation demande en effet une discipline et une certaine détermination, elle devient graduellement un soutien : on s'assoit et on respire parce que ça aide à se sentir mieux!


Les grenouilles folles


Méditer, c'est se centrer dans un état de « présence attentive ». Etre là, point. Je suis, indépendamment de ce qui est arrivé ce matin, ou hier, ou il y a 10 ans. Je suis, indépendamment de mon âge, de mes revenus ou des ordures que j'ai oublié de sortir tout à l'heure. Je suis, indépendamment de ce qui pourrait se produire demain ou dans 10 ans, car ce sont des événements sur lesquels je n'ai aucun contrôle.
Pour faire échec aux pensées qui surgissent, certaines approches recommandent d'utiliser un mantra. Il s'agit d'une phrase répétée mentalement, qui occupera tellement l'esprit que celui-ci ne pourra plus s'évader vers autre chose. Si le mantra est prononcé, les vibrations qu'il engendre à partir des cordes vocales sont censées amener le corps à de bonnes dispositions. D'autres préconisent de se concentrer sur un objet (une bougie, une image) ou encore sur la respiration, et parmi ceux-ci certains parlent de se concentrer sur l'air qui entre et sort des narines. D'autres évoquent enfin la nécessité d'« incarner » cette sensation dans l'abdomen.
Le fait incontournable est que, quand on se retrouve assis, les yeux clos, toutes les techniques du monde n'y changent rien : les idées et pensées surgissent sans cesse puis s'agitent frénétiquement. Christian Lamontagne, dans un très beau texte sur la méditation zen, a déjà comparé ces pensées à des grenouilles folles. D'innombrables fois depuis, j'ai eu l'occasion de me rappeler cette image... Qu'elles soient vert lime ou caca d'oie, jolies ou non, les grenouilles qui rebondissent sans cesse sur les parois de l'esprit sont terriblement encombrantes. Mais s'en rendre compte constitue déjà une avancée.
Les enseignants et maîtres de méditation recommandent de regarder les grenouilles aller et venir, tout simplement. Si on ne s'attache pas à l'une d'elles, si on ne se laisse pas entraîner à sa suite dans le dédale des associations mentales, la grenouille va s'évanouir. Même chose avec la suivante et celle d'après... C'est clair, mais pas évident.
Tout en jovialité bedonnante, le Tibétain Sogyal Rinpoché raconte l'anecdote suivante dans ses conférences : ses élèves lui confient avoir beaucoup de difficulté à atteindre et, surtout, à garder cet état de présence attentive pendant les périodes formelles de méditation. Ils découvrent cependant qu'ils y arrivent plus aisément après la fin de la session. Avec son rire communicatif, le rinpoché avoue : « Eh bien, je leur dis de méditer après, c'est tout! »
Si l'assise est ce qu'on entend généralement par « méditation », je mentionne que certains adeptes choisissent d'y intégrer d'autres outils d'ouverture de conscience. Dans un tout petit livre intitulé Méditation de tous les jours, la Québécoise Uparathi explique comment elle utilise les cristaux, les chakras, les couleurs, la visualisation, les affirmations, etc. Il y a même une étape où elle planifie des tâches! La séquence qu'elle propose suit les sept étapes que Patanjali avait établies lorsqu'il conçut la philosophie du yoga, il y a plus de 2 000 ans. Pour un esprit le moindrement dispersé, ça paraît compliqué à gérer, car il est déjà assez difficile de faire cesser le verbiage sans en rajouter. L'ouvrage peut tout de même inspirer, si besoin est.


Les écoles


Inspirés notamment par des auteurs et chercheurs comme le Dr Jon Kabat-Zinn, plusieurs médecins et thérapeutes offrent maintenant des ateliers de gestion du stress aux personnes qui en ont besoin pour des raisons de santé. Ce genre de pratique, qui intègre souvent de la méditation d'inspiration bouddhiste, se déroule dans un contexte tout ce qu'il y a de plus neutre. Et pas besoin d'être à l'article de la mort pour s'y inscrire!
Mais la grande majorité des pratiques de groupe s'insèrent dans un contexte plus ou moins spirituel, ce qui ne veut pas dire religieux. En effet, la méditation est un élément fondamental et incontournable de nombreuses voies spirituelles. Or toutes les grandes traditions sont maintenant implantées dans la culture américaine, souvent grâce à des hommes et des femmes qui sont allés chercher une formation en Orient, ou grâce à des maîtres orientaux qui ont répondu à l'appel des Occidentaux. Aujourd'hui, ces mouvements comptent des maîtres occidentaux expérimentés.
Les mouvements tibétains ont la cote. Mentionnons la tradition Shambala, une des plus connues, implantée par Chogyam Trungpa, dont les livres constituent une importante référence dans la voie spirituelle; il y a aussi la tradition Kadampa (avec le centre Kankala, à Montréal), la tradition Karma Kagiu (le centre Rigpé Dorjé), celle menée par Sogyal Rinpoché (centre Rigpa), et sûrement quelques autres... Ces centres n'ont toutefois pas pour objectif d'enseigner d'abord la méditation mais le bouddhisme tibétain. En effet, s'il existe bel et bien un esprit bouddhique, cet esprit a pris de nombreuses formes au fil des siècles et des cultures.
Méditation zazen, transcendantale, de pleine conscience, vipassana... Comment choisir? Il s'agit, essentiellement, de trouver le contexte qui convient le mieux, celui dans lequel on se sent à l'aise, puis de s'engager dans la pratique avec sérieux.
Et voilà! C'est à peu près ce qu'on peut dire en si peu de mots à propos d'un sujet aussi paradoxal (archisimple et profondément vaste). Je rajoute quand même que les « gammes » de l'assise silencieuse permettent de développer une « présence attentive » qui deviendra, graduellement, une seconde nature et avec laquelle on pourra aborder presque toutes les activités quotidiennes : marcher, bien sûr, mais aussi couper les légumes ou passer l'aspirateur. Dans la paix.


« Maîtriser sa respiration, c'est contrôler son corps et son esprit. Chaque fois que nous sommes dispersés, que nous n'arrivons plus à nous contrôler, nous devrions devenir attentifs à notre respiration. Après de 10 à 20 minutes de pratique, nos pensées se seront calmées, et notre esprit ressemblera à un étang paisible. »
Thich Nhat Hanh

 
Ce texte a été publié dans le Guide Ressources, vol. 17, no. 1, septembre 2001. Tous droits réservés par Lucie Dumoulin.

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