Réalité de la Réalité


Joaquim


L’éveil, c’est l’effondrement du château de cartes. C’est l’éclatement de la frontière, la subite réalisation qu’il n’y a jamais eu de frontière, que tout cela n’était qu’un rêve, qu’il n’y a rien d’Autre hors de mes frontières, pas plus qu’il n’y a de “moi”, ni non plus de frontières. Je suis Cela.


Pour ma part, la première fois que j’ai basculé dans le non-duel, c’est lorsque j’ai découvert ce que j’appelais la réalité de la Réalité. C’était un soir d’hiver, en janvier je crois, je me trouvais à un carrefour éclairé par un lampadaire, et tout-à-coup, ce fut comme si un voile se déchirait, et je réalisai que ce qui était là, devant moi, existait. Ce lampadaire, cette place, cette lumière. J’en fus renversé. A partir de ce moment, tout ce sur quoi se posait mon regard, pourvu que je le fisse avec une certaine attention, me parlait de sa présence: aussi bien le radiateur (il m’a beaucoup parlé !) qu'un livre posé sur la table. Ces expériences me semblent correspondre aux Instants que décrit Jourdain. Deux mois plus tard environ, je me trouvais dans la chambre que j’avais encore chez mes parents, assis à mon bureau, réfléchissant à je ne sais plus quoi, quand brusquement, un autre rideau se déchira en moi. Non plus entre moi et la réalité extérieure, mais à l’intérieur de moi, entre un moi que j’étais convaincu de connaître à fond, pour la simple raison qu’il était moi et que j’étais lui, et un autre moi, que je découvrais avec stupéfaction, un moi vivant, qui se répandant dans l’être entier, qui en épousait parfaitement, et depuis toujours, l’intégralité des formes. Un moi qui n’était pas simplement ce petit miroir en qui la réalité venait se refléter, mais qui contenait en lui la totalité de l’être.

Ce sont ces ceux caractères qui seuls m’apparurent à l’époque comme saillant: la Réalité, et ce que Weil nomme le Sentiment de dissolution du moi. Je n’utilisais pour ma part pas ce terme, car je n’avais pas eu le sentiment de me dissoudre. Plutôt de naître. “Dissolution” me semble relever d’une perspective bouddhiste, à laquelle je peux toutefois adhérer après-coup, car effectivement, dans la mesure où le moi devient tout, l’enveloppe qui l’entourait (l'ego) se dissout. Les termes que j’utilisais à l’époque étaient: “la réalité de la Réalité”, et “moi vivant”. C’étaient les seuls.

Les autres caractères ne m’apparurent pas directement, et pourtant ils étaient implicitement présents:

le vécu non-duel : je ne connais ce terme que depuis ces toutes dernières années, et pourtant c’était bien cela : ce que je croyais être moi ne m’appartenait plus, et en même temps j’étais tout ce qui est ;

inneffabilité : j’étais effectivement incapable de mettre des mots sur ce que je vivais, de sorte que je n’en ai jamais parlé. J’ai essayé de me l’expliquer à moi-même dix ans plus tard, et je n’en parle vraiment que depuis que ce forum existe ;

atemporalité : j’ai recopié sans faute des trois dimensions du temps, et je ne comprends pas très bien non plus cette phrase. Par contre, je comprends bien l’atemporalité, comme étant se découvrir avoir toujours été ;

caractère paradoxal : en fait, c’est plutôt avant l’éveil que le rapport à la réalité m’apparaissait comme paradoxal... ;

aconceptualité : j’étais à l’époque trop indigent conceptuellement pour ne pas avoir soif encore d’explorer le monde des concepts. Mais j’essayais avec toute la force dont j’étais capable de les imprégner d’une présence qui leur donne vie ;

présence : c’est un mot qui n’entra dans mon vocabulaire que beaucoup plus tard ;

lucidité complète : je n’aime pas trop ce terme, car il laisse trop à penser qu’on verrait plus clairement les choses, dans une lumière parfaite; or ce qui se passe, c’est plutôt comme si on devenait soi-même la lumière.

Je vous invite à venir visiter le blog de Joaquim : Regards sur l'éveil - Café philosophique, littéraire et scientifique.

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