Attention, vigilance et non-distraction


Voici quelques points de rappel suite à un mail que j'ai reçu dernièrement, concernant certaines difficultés que l'on peut rencontrer dans sa pratique de méditation.

Je m'en vois avec la pratique, surtout celle de la méditation, où c'est quasi impossible d'avoir le calme plat dans ma tête. Ça "bavarde" toujours et à une allure... C'est absolument dingue de voir qu'on (ou bien que "je") est en perpétuelle conversation !

Je pense que l'on s'en voit parce que l'on oppose ce que l'on 'voudrait' (le calme, le silence, l'absence de pensées, etc.) avec ce que l'on 'est' (agitation, mouvements incessants de pensées, manque de clarté, etc.).
Le problème vient justement de cette opposition, qui crée alors de la résistance.
Comme l'enseigne Eckhart Tolle :

"Ne cherchez pas la paix. Ne cherchez pas à trouver un quelconque autre état que celui dans lequel vous être dans l'INSTANT PRÉSENT. Sinon, vous instaurerez un conflit intérieur et une résistance inconsciente.
Pardonnez-vous de ne pas être en paix. Dès l'instant où vous acceptez totalement l'absence de paix, celle-ci se métamorphose en paix. Tout ce que vous acceptez totalement vous conduit à la paix. C'est le miracle du lâcher-prise.
Quand vous acceptez ce qui est, chaque moment est le meilleur qui soit. C'est cela l'illumination."

Il convient juste de voir, c'est à dire de prendre conscience de ce qui 'est', dans le moment présent, sans rien changer. Derrière ces mouvements de l'esprit, on découvre peu à peu un sentiment permanent de "présence". Ce peut être calme ou agité à la surface de l'esprit mais, de l'espace de cette présence, ça n'a pas vraiment d'importance. Le point est de ne pas s'identifier aux vagues de la surface, mais de tenir son être dans l'Être... symbolisé par la profondeur de l'océan.
On pourrait suggérer de simplement revenir à celui, ou celle, qui ressent l'agitation. Revenir à ce que l'on est. Juste ressentir le fait d'être, faire face à ce qui est, sans rien modifier ou changer. Le calme n'est pas à rechercher, pas plus que les pensées sont à éviter. Se sentir pleinement conscient d'être dans le MOMENT PRÉSENT, tel qu'il se présente à soi, est suffisant. C'est ce sentiment d'ÊTRE qui est ici le point important de la méditation. En essence, cela s'accompagne de clarté vigilante, d'attention naturelle et de non-distraction.

Voici en complément une synthèse d'instructions de méditation que j'ai reçues lors d'une retraite, tirées de la tradition Dzogchen :

"Il n’y a rien sur quoi méditer, cependant, laisser l'esprit demeurer non distrait."
Dans cet enseignement, il est dit que le point est de savoir rester inaltéré, non distrait et sans saisie.
Rester simplement dans cette conscience de soi. Ne pas méditer "sur" quelque chose, mais simplement se détendre et être spacieux.

Il est dit encore que l’essence de la méditation c’est l’esprit qui demeure non distrait. Quelle que soit la pratique, quel que soit le support utilisé, le point principal est d’être attentif, centré et sans distraction.
Le point n’est pas qu’il y ait des pensées ou non, le point est de savoir si l’on est pleinement présent ('non distrait') ou pas. Nous pouvons ainsi rester pleinement conscient à l'intérieur de soi, à tout moment (c-a-d conscient s'il y a des pensées, ou conscient si l'esprit est calme).

Ainsi, tout peut devenir un support d’attention pour notre pratique : un objet perçu, un son entendu, une sensation ressentie ou n'importe quelle expérience interne. Et, si l’on sait être habile, même les pensées les plus féroces peuvent nous ramener à l’attention et la Présence.

Quel que soit le support utilisé, le point est de ne pas s’accrocher à lui mais juste d’en être conscient. Encore une fois, l’important est de développer attention, vigilance et non-distraction. Et faire de son mieux, d’une 'façon détendue et spacieuse'. Surtout, éviter de trop se fixer.

Il est dit que "si l’on crée les conditions favorables dans son corps et son environnement, la méditation et la réalisation s’élèveront automatiquement". C’est la raison pour laquelle on adopte une posture physique et mentale correcte.
La manière dont on est assis affecte notre esprit. Prendre alors la posture parfaite afin de créer les circonstances qui permettront de reconnaître la nature de l’esprit (la condition éveillée, sa nature originelle). Concernant le maintien du corps, l'accent est mis sur le fait de tenir le dos droit, que l'on soit assis à même le sol, ou sur une chaise. L'essentiel est de laisser le corps dans une posture confortable pour soi, afin que l'esprit demeure détendu, conscient et "à l'aise".
Une fois assis, ne pas essayer de se relaxer d'une façon forcée, mais détendre son corps et son esprit naturellement. Laisser l’esprit sans contrainte, au repos, mais avec une conscience claire et alerte à la fois.
Les sens sont ouverts. On demeure de façon ouverte (spacieuse) envers tout ce qui s’élève, c'est à dire que l'on reste accueillant, disponible, mêlé d’attention et de conscience.

On peut regarder directement l’espace : c’est alors un regard sans objet, support ou point de référence.
Si on utilise un support comme la respiration : focaliser (poser avec douceur) son attention et sa conscience sur l’objet, sans jugement (j’aime ou je n’aime pas l’objet), sans élaboration mentale particulière, sans commentaire ni pensée quant à l’objet. Ne pas être “trop” conscient de l’objet pour autant (pas de saisie/attachement envers l’objet : simplement, le laisser être).

Avec un son : on écoute le son sans pour autant que le son soit recherché. Il est intégré à la pratique et devient l’objet de méditation au moment même où il est entendu. Le point, une fois encore, est de développer l’attention et la non-distraction. Ce n’est pas l’objet, ni le support utilisé, ni même la technique de méditation, qui sont importants, mais la condition de l’esprit dans un état de vigilance.

Avec les sensations : tout ce dont on fait l’expérience peut être un support pour la méditation. Toutes ces choses, qui normalement nous distraient, deviennent l’objet ou le support de notre méditation. Si une sensation s'élève, on peut alors tranquillement revenir sur 'celui' qui ressent ces sensations. Là encore, il convient de savoir rester ouvert et sans saisie.

Les pensées peuvent même devenir un support pour la méditation : le flot incessant des pensées peuvent devenir un support en tournant l’esprit vers l’intérieur et en regardant directement les pensées elles-mêmes (ou, mieux encore, celui à partir de qui elles s'élèvent) sans être pris par elles pour autant. Les reconnaître à mesure qu’elles se manifestent. Ne pas suivre les pensées (ne pas rentrer dans leur contenu) mais en être simplement et pleinement conscient.

Le conseil final concerne l’aspect de clarté qui règne dans l'esprit plus que le fait de demeurer calme et sans pensées : alerte et vigilant, sans focalisation particulière pour autant. Renforcer cet aspect de clarté : on appelle cela la "méditation de la présence éveillée". Ainsi, ne pas "s'effondrer" (attitude passive d'introversion) dans sa méditation, comme on rentrerait dans un "sauna" chaud et douillet !

Un détail important : savoir demeurer libre d’espoir et de crainte, d’adoption ou de rejet, de désir ou de résistance par rapport à sa pratique. Il est inutile de se faire du souci pour savoir si notre pratique est correcte ou non, si l’on médite bien ou mal, si l’on est dans l’illusion ou pas, etc. Une "mauvaise" méditation (tout au moins considérée comme telle) est toujours mieux que pas de méditation du tout !

Nous pouvons également adopter cette pratique dans un contexte de guérison, si l'on est par exemple confronté à une sensation de souffrance. Dans ce cas, il nous faut regarder directement l'oeil de la souffrance, c'est-à-dire la sensation, non l'objet ou son contenu de la souffrance, et demeurer avec cela. Aller en son coeur, dans un face à face. Vu de cette façon, elle se désagrège naturellement car elle n'est plus reconnue comme quelque chose de solide.

Apprendre à rester avec nos ressentis, à les accueillir, les observer, et les laisser simplement nous traverser, nous montre qu’ils ont leur vie propre et que si nous ne luttons pas contre eux, ils apparaissent et disparaissent naturellement sans éprouver l’organisme.

Suyin Lamour

L'autre approche consiste à effectuer un "retournement", c'est-à-dire à retourner son attention vers celui qui ressent cette souffrance, l'espace de conscience qui se trouve en amont et qui perçoit la sensation de souffrance. C'est comme remonter à la source. La conséquence de cela c'est que la construction (la solidité) est dissoute, non seulement de la souffrance, mais aussi de tout le processus de l'identification (la saisie) au personnage lui-même, vivant tel ou tel évènement. À nous de goûter la conscience océanique au coeur même de la vague !

En fait, il n'y a rien à changer à ce qui se passe. Rien à manipuler. Il s'agit juste d'être présent, sans volonté, à ce qui est.

Portez votre regard très loin, mais sur aucun objet en particulier. Entendez naturellement, mais n’écoutez rien en particulier. Acceptez tout ce que vous sentez, mais ne prêtez attention à aucune sensation. Laissez votre conscience s’absorber complètement dans l’océan illimité de la tranquillité.

Michio Kushi

À la lecture de ces quelques conseils, je vous souhaite une excellente pratique !

 

© Patrice Gros shirushi Patrice Gros

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