Le bonheur est en Soi
Préambule
Voici le récit de l'expérience non-duelle d'un contemporain.
Comment, pour la première fois, il ne vit dans la réalité
que "non-deux", qu'un océan sans limite ni frontière,
ni catégories, ni objet, ni sujet. Puis il décrit la nouvelle
façon dont il perçoit la vie quotidienne, à la suite
de ce bouleversement intérieur. Ce préambule indique comment
il faut lire et recevoir ce qui est conté là. En particulier,
avoir conscience que ces paroles s'adressent davantage à votre inconscient,
à votre cœur, qu'à votre conscient ou votre tête…
qu'est-ce à dire ? Qu'il faut laisser infuser dans votre cœur
ces paroles qui alors peuvent planter des germes de non-dualité qui
écloront plus tard… Si vous lisez intellectuellement, certes
vous comprendrez un certains nombres de choses, mais l'essentiel va vous échapper.
C'est ainsi. Si vous ouvrez votre cœur, laissez de côté
l'esprit comparatif et critique, vous laisserez s'entrouvrir la porte de l'intériorité
qui vibre à l'appel de l'autoperfection. Également quelques
indications sur la façon dont l'esprit apparaît à l'auteur
vous permettront de mieux saisir le texte. Ce que l'on nomme habituellement
inconscient n'est aux yeux de l'auteur que l'aspect foncier, indifférencié
ou peu différencié de l'esprit. Prenons l'image d'un arbre.
Le tronc représente l'aspect foncier de l'esprit, tandis que les grosses
branches, les branches puis les feuillages la façon dont l'esprit se
scinde en profond et superficiel, les feuillages sont les pensées virevoltantes
à la surface consciente de l'esprit. Ce qui est décrit dans
les lignes qui suivent sont en fait la sève qui monte des racines et
du tronc principal, avant même d'être différencié…
si vous pouvez saisir les mots dans leur émergence naturelle, alors
ces mêmes couches profondes vibreront en vous et vous comprendrez de
l'intérieur ce dont il est question ici. Autant lire lentement, en
laissant infuser les idées...
1. AU PRINTEMPS DE L'ÉTERNITÉ.
En Juillet 1976, je feuilletais le Tao-Te-King (traité sur le Principe
et son action), ouvrage chinois de Lao-Tseu , écrit voici vingt-cinq
siècles, dont le sujet évoque le Principe originel ou Tao et
sa force productive, Teï, mère de l’univers. Cette approche
du monde fut tellement inédite pour moi que je perdis tous mes repères
intérieurs et fus jeté, vide, sur la rive de l’inconnaissable.
Je posai le livre et, par la fenêtre, contemplais le crachin
monotone bruinant sur l’église Saint-Mathieu à Quimper,
quand soudain l’éveil me saisit. La pensée s’arrêta.
Dans ce corps figé, une immobilité intérieure totale
se fit. Un silence insondable m’engloutit. Un flot transparent de conscience
et d’amour imprégnait tout dans le champ de vision. On ne sentait
aucune mesure, aucune limite, aucune séparation. Instant absolu d’atemporalité.
Plénitude, béatitude, liberté, plus rien ne manquait...
Et d'écrire : Je pleure d'une immense joie : le ROC est touché.
Croyant nager à la recherche du rocher salvateur, voici que je SUIS
ce rocher. Dans cette recherche, je courais à l'Etre. La paix est au
Non-Être, pas théoriquement, mais vraiment : quand je ne suis
plus rien, alors je peux être un avec tout ; immobile dans la course,
immobile dans l'amour. Non-agir... pour mieux agir... Non-aimer pour mieux
aimer ! Que de vérité!
Je me demandais pourquoi l'humilité? Et aujourd'hui c'est clair
: n'être rien. Étant devenu rien, ayant constaté mon néant
foncier, que peut-il m'arriver ? N'étant rien, tout s'accomplit à
travers ce corps-ci, sans l'interférence de la personne peureuse et
désireuse. La vie éclate alors de ses milles énergies
!! Le cauchemar est fini. Le temps est arrêté. A présent,
laid ou beau, riche ou pauvre, sain ou malade, qui reste-t-il pour souffrir
encore ? Personne.
Tant et tant de préceptes, de commandements, de permissions et surtout
d'interdits, de dualités pavaient mon chemin intérieur que le
Tao-Te-King, dans sa limpidité naturelle est venu volatiliser tous
ces conditionnements. Relier les paires de dualités, le chaud parce
que le froid, le mal parce que le bien, le bien parce que le mal, le riche
parce que le pauvre, le laid parce que le beau, le grand parce que le petit,
le léger parce que le lourd, le plaisir parce que la souffrance, le
désir parce que la peur, la peur parce que le désir... tout
cela s'est articulé dans cette conscience brusquement infinie pour
ne laisser qu'un champ vierge et transparent, une lumière intérieure
doucement teintée d'amour, de compassion, d'une subtile radiance bienveillante,
d'un sentiment de totale perfection.
Un rire joyeux se jouait de mes lourdes tentatives de comprendre Cela, l'Inaccessible,
de mes méditations préhensives qui voulaient forcer la porte
du Nirvana. Il n'y a que l'abandon, le si mal compris et surexprimé
« lâcher-prise » qui ouvrent la porte du Nirvana,
en effet. Mais je vous avoue que je n'étais pas vraiment dans une démarche
de lâcher prise, mais juste concentré à comprendre cette
dualité. Et c'est l'assemblage du puzzle duel qui me révéla
(ce que je ne savais pas encore se nommer) la Non-Dualité. Le Tao m'était
si nouveau à l'esprit que nul réseau ne venait enchaîner
un envol vers l'inconditionné. Comment un tel esprit venait-il d'être
touché par la Grâce ? Peut-on seulement parler de Grâce?
N'est-ce pas simplement le Hasard ?...
Cet Éveil semble sans cause, tellement loin de notre volonté
et de nos capacités individuelles. Oui, on ne peut que constater sa
propre impuissance en face de Cela. Mon regard était neuf, tel le nouveau
né. Une nouvelle naissance, oui ; on peut dire cela. Et ce poids du
passé, tous ces conditionnements sont soufflés comme une simple
bougie par l'Éveil Soudain. Mille ans d'erreur sont dissipés
en une seconde... Quel jeu, cette vie... Comme dit le Shin Jin Mei, « une
fleur de vacuité.... pourquoi souffrir pour saisir cette illusion ? »
La particularité de cette révolution intérieure est qu'elle
est incompréhensible. Ce que l'on cherche est ce que l'on EST depuis
l'origine, sans le savoir, mais plus bizarrement encore, elle se livre dans
un non-savoir, dans un vécu qui déconnecte toute tentative d'analyse
et de compréhension intellectuelle. « On » ne
comprend rien, réellement. Cela se saisit Soi-même dans une Union
parfaite et absolue. Aucune trace d'illusion. Aucune trace d'ignorance non
plus. Plus aucune ombre en Cela. Les tribulations humaines semblent des rêves
d'enfants dans une cour d'école. Si le temps arrêté nous
délivre de l'âge, il nous livre l'alpha et l'omega de tout ce
qui est et sera à jamais. Nous sommes enfin libre de ne rien faire.
Il n'y a plus rien vers quoi tendre. Quelle paix ! Mais quelle peur pour les
troublions de l'activisme impénitent !! Il faut souvent qu'ils tombent
pour entrevoir cette voie du milieu, du non-savoir, du non-être, du
non-devenir et du non-agir...
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