Ahimsa, l’essence du Reiki
© Patrice Gros/SGDL
L’un des points cruciaux de notre art de guérison est, grâce
la pratique et les différentes formes d'accompagnements qu'il propose, de se relier à
l’aspect qui, en chacun, est fondamentalement sain(t). Il s’agit
ici essentiellement de restaurer l’harmonie naturelle et la santé
originelle. Plus que guérir d’un point de vue médical
et extérieur, c’est en fait créer une mise en résonance
avec sa nature primordialement pure, libre et parfaite. C’est le message
d’espoir du Reiki, celui de découvrir, entre autres, une dimension
de soi qui, par essence, est au-delà de toute souffrance et la source
même de toute guérison. Nous avons tous en nous, en notre être
le plus profond, cette potentialité d’être guéri.
Abritée au plus profond de notre coeur, et
de celui de tous les êtres sans exception, gît une source inépuisable
d’amour et de sagesse. Le but ultime de toute pratique spirituelle -
qu’elle soit bouddhiste ou autre - est de découvrir cette nature
pure essentielle, d’entrer en contact avec elle.1
C’est précisément cette découverte et cette réalisation
qui nous guérit profondément, à la fois au niveau du
corps, de l’âme et de l’esprit, selon ce qui juste et approprié
à chacun. La guérison est aussi un processus qu’il nous
faut parcourir, avec les prises de conscience, les manifestations émotionnelles,
les transformations, voire même les souffrances diverses qui, parfois, accompagnent ce processus.
Le sentier de la guérison et le chemin de l’harmonie sont déjà,
en eux-mêmes, une voie de développement et d’apprentissage.
On n’essaie pas de changer la souffrance,
on l’apprécie ; on passe par l’expérience, mais
sans la “saisir”. Il faut parfois traverser la souffrance car elle est
purificatrice.
S.
Rinpoché
Je souhaite partager maintenant avec vous une autre perspective du Reiki qui me semble capitale. Celle-ci concerne l’attitude de non-violence à adopter face à la souffrance, c’est-à-dire de ne pas entrer en lutte contre les aspects indésirables de soi (maladies ou souffrances émotionnelles), mais de rester à l’écoute de leurs sens. Don Alexander, mon enseignant principal, nous enseignait que la maladie était simplement le message que quelque chose en nous devait être soigné et guéri. Il y a beaucoup de sagesse dans ses paroles et, surtout, une immense compréhension. La tendance habituelle est de vouloir éradiquer les circonstances qui nous dérangent ou qui nous font souffrir. Nous pourrions maintenant proposer de ne pas considérer la maladie ou la souffrance comme un défaut, car elle peut devenir la source même d’un chemin de régulation et de purification, et aussi parce qu’elle met l’accent sur quelque chose en nous qui mérite notre attention, notre regard bienveillant, notre amour, voire notre pardon.
Il n’y aura donc pas de combat, de violence contre un élément de notre être, il y a seulement un effort de prendre soin et de pouvoir transformer. Il faut donc avoir une attitude non-violente à l’égard de notre souffrance, de notre douleur. Il faut prendre soin de notre souffrance comme l’on peut prendre soin de son propre bébé.2
Ahimsa, l’attitude
de non-violence, repose sur une profonde compréhension qui
nous montre que nous ne sommes pas séparés de notre souffrance et qu’elle fait véritablement
partie de nous, même si, paradoxalement et d'un tout autre point de vue, nous ne sommes pas elle ultimement. Mais tant qu'il y a identification, il est bon d'adopter un sentiment de reconnaissance,
d’acception et de lâcher prise face à ce qui est vécu.
Le fait de reconnaître sa condition présente telle qu’elle
est, d’en prendre conscience sans crainte et de l’accueillir, sans émettre aucun jugement, sans chercher pertinemment le coupable
extérieur, fait de soi un être responsable (étymologiquement : respons-able = être
capable d’apporter la réponse juste et appropriée à
une situation donnée).
Même si cela reste une vue partielle, disons que, pédagogiquement, participer à sa guérison, c’est comprendre que nous sommes
partie prenante dans tout ce qui nous arrive (que nous avons notre part de
“respons-abilité”), et c’est donc se prendre en charge
dans son processus d’épanouissement personnel. C’est agir
en pleine conscience, le coeur ouvert et aimant. Ce n’est pas rester
identifié ou coincé dans un sentiment de culpabilité, ni se sentir ou demeurer
impuissant. Comme disent certains psychothérapeutes, c’est être
un bon père et une bonne mère pour soi-même. Ou encore,
comme le suggère parfois le Vénérable Thich Nhât
Hanh, c’est prendre soin de sa douleur comme on prendrait soin de son
petit frère ou de sa petite soeur !
Je ressens que le Reiki, dans sa grâce infinie et son expression, apporte
cette possibilité de reconnaître les espaces de souffrance à
l’intérieur de soi, tant physiques que psychiques (émotionnels et mentaux), ainsi que toutes
les peines du passé, les peurs, les manques, les cruautés et
les nombreuses frustrations liées à notre histoire personnelle. Plutôt que de se révolter, s’y
opposer ou résister, l’approche non-violente du Reiki propose
de porter un regard apaisant sur ses douleurs, de les panser, de s'en occuper
dignement en vue de les transformer naturellement. La non-violence est en fait l’essence
véritable de cette voie de guérison et de transformation profonde.
De plus, le Reiki permet de gérer et d’intégrer au mieux
nos contradictions et, plutôt que de se sentir divisé ou engagé
dans un combat intérieur, il fait de nous un être entier, par
cette approche même d’acceptation remplie de compréhension
et d’amour-compassion. C'est le pouvoir ultime de la Présence en nous qui permet cela.
Nous ne dressons pas de barrières entre le bien et le mal et nous ne devenons pas un champ de bataille. Nous devons traiter l’irritation avec compassion et non-violence. Nous devons lui faire face avec un coeur rempli d’amour, comme si nous étions devant notre petite soeur (...) Éclairée par la conscience, l’irritation, au lieu d’être détruite, est progressivement transformée.3
Dans le respect et cette écoute de soi commence alors le chemin vers la complétude, qui est l’aspect le plus prodigieux et le plus merveilleux que propose la voie sacrée du Reiki. Non seulement il permet de toucher, en soi ou en l'autre, les différents niveaux de souffrance, de lui donner l’attention bienveillante et le soin réparateur, mais il offre également la possibilité de se relier à ce qui, en chacun de nous, est bien au-delà, et que l’on appelle, dans les enseignements les plus élevés, la liberté naturelle de l’Esprit !
Même si la guérison est notre véritable état d’être sur le plan absolu, donnons au Reiki l’espace et le temps d’accomplir, sur le plan relatif, la plus juste des guérisons. Chacune de nos pratiques, sur soi-même ou sur autrui, peut être une offrande, permettant aux aspects les plus profonds de l’être de se révéler.
1
Lama Thoubten Yéshé, “L’espace du Tantra, percevoir
la totalité”, Éditions Vajra Yogini.
2 Thich Nhât Hanh, “Vivre en pleine conscience”, revue Terre
du Ciel N° 36 - septembre 1996.
3 Thich Nhât Hanh, “La respiration essentielle”, Éditions
Albin Michel - Spiritualités vivantes