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Darpan
Contempler la nature même de notre esprit
La troisième méthode est celle des contemplatifs. Elle est sans doute la moins évidente, mais nous pouvons nous en inspirer pour réduire nos souffrances physiques et mentales. Elle consiste à contempler la nature de l'esprit qui souffre. Les maîtres bouddhistes enseignent la méthode suivante lorsqu'on éprouve une puissante douleur physique ou mentale, il faut simplement la regarder. Même si sa présence est lancinante, demandons-nous quelle est sa couleur, sa forme ou toute autre caractéristique immuable. On s'aperçoit alors que les contours de la douleur s'estompent à mesure qu'on tente de les cerner. En fin de compte, on reconnaît qu'il y a, derrière la douleur, une présence consciente, celle-là même qui se trouve à la source de toute sensation et de toute pensée. La nature fondamentale de l'esprit est cette pure faculté de connaissance. Détendons notre esprit et essayons de laisser la douleur reposer dans cette nature claire et inaltérable. Cela nous permettra de ne plus être la victime passive de la douleur, mais, peu à peu, de faire face et de remédier à la dévastation qu’elle engendre dans notre esprit. Ce n'est certes pas facile, mais l'expérience montre que c'est possible. J'ai personnellement connu nombre de méditants ayant recours à cette méthode lors de maladies terminales connues pour être particulièrement douloureuses et qui semblaient remarquablement sereins et relativement peu affectés pas la douleur. Mon regretté ami Francisco Varela, chercheur de renom en sciences cognitives, pratiquant depuis la méditation bouddhiste, m'a confié, lorsque nous nous sommes longuement entretenus quelques semaines avant sa mort d'un cancer généralisé, qu'il arrivait à demeurer presque tout le temps dans cette «présence éveillée ». La douleur physique lui semblait alors très lointaine et ne l'empêchait pas de conserver sa paix intérieure. Il n'avait d'ailleurs besoin que de très faibles doses d'analgésiques. Son épouse, Amy, m'a rapporté qu'il avait préservé cette lucidité et sérénité contemplative jusqu'à son dernier souffle.
Mathieu Ricart - Plaidoyer pour le bonheur.