Psychologies Magazine, juillet 2017
Bien que cette interview proposée par la journaliste Carine Anselme fut, en réalité, bien plus longue, les besoins éditoriaux l'ont considérablement réduite.
Voici donc reproduite ci-dessous l'interview dans son intégralité.
Carine Anselme : Ma première question est simple : la pratique du Reiki est-elle accessible à toutes/tous ? Autrement dit, l'accès à l'Énergie Universelle est-il possible pour tout un chacun, à travers l'initiation spécifique au Reiki ?
Patrice Gros : L'accès au Reiki est effectivement ouvert à toutes
personnes car il met en lumière, ou révèle, un potentiel
pré-existant en chacun de nous, celui, d'une part, d'être raccordé
à l'Énergie Universelle, et celui, d'autre part, de pouvoir
la canaliser aisément, comme une faculté naturelle.
Mais à un niveau encore plus profond, le Reiki désigne notre
essence spirituelle, notre véritable nature, à laquelle nous
somme déjà toutes et tous reliés - en fait, nous SOMMES
cette énergie-conscience - qui ne demande qu'à être re-découverte.
Quelle est alors la clé d'accès à ce réservoir d'énergie ?
L'initiation
(reiju), que propose le Reiki japonais, est un support incontournable, un
véritable "moyen habile", pour amener quiconque à
prendre conscience de cette essence sacrée et de ce réservoir
inépuisable d'énergie à l'intérieur et autour
de nous. L'initiation est donc le point de départ. Elle est la transmission
d'une force qui fait mûrir les qualités potentielles contenues
dans la conscience. De plus, selon le besoin de chacun, elle permet de dénouer
certains blocages, de purifier les obscurcissements émotionnels et
mentaux, d'amener un changement de paradigme et de son système de croyances.
On comprend dés lors l'impact que peut avoir une telle initiation sur
la conscience des personnes qui la reçoivent, bien au-delà de
la simple faculté de canaliser l'énergie qui s'offre à
eux.
Mais bien sûr, une telle initiation serait incomplète sans une
mise en application et une pratique effective, tel que cela est enseigné
dans le cadre d'une formation adaptée.
Au sein de l'association japonaise de Reiki, cette initiation est offerte
aussi souvent que possible, afin de renforcer l’énergie du Reiki
dans le corps/esprit et d’augmenter la circulation de l’énergie.
Elle a de plus un sens profondément sacré, celui de faire pleuvoir
les bénédictions, que l'on appelle la "descente de l'eau
céleste".
Depuis nos entretiens de 1999 et de 2003, quelles ont été les évolutions dans la pratique du Reiki ? De nouvelles applications ont-elles vu le jour ?
J'enseigne
depuis maintenant 25 ans, et une prise de conscience s'est faite au fil du
temps et des pratiques, mais plus en terme d'approfondissement que d'une véritable
découverte : c'est la dimension
interne et non-duelle dans laquelle le Reiki nous amène, qui permet
de révéler des aperçus de sa nature essentielle et de
goûter à ce qu'Usui sensei appelait la "grande paix du coeur".
L'art du Reiki, outre son approche énergétique, permet de promouvoir
le bonheur, l'illumination et la paix de l'esprit, autrement dit, le "satori",
l'éveil spirituel, un état de non séparation.
C'est pourquoi, l'approche que je propose aujourd'hui met principalement l'accent
sur cette dimension interne, méditative et spirituelle du Reiki, sans
épargner pour autant l'aspect énergétique des soins,
le Reiki étant considéré comme une véritable thérapie
sacrée. Sans prétendre que nous touchons tous à cette
réalité ultime dans les stages et les retraites que j’anime,
j’ai parfois l’impression que nous nous y approchons, comme si
nous nous tenions sur les rives de l’éveil. C’est ce que
certains de mes élèves ont confirmé. À ce propos,
tout un chapitre de mon dernier livre, L'essence
sacrée du Reiki, est consacré à cette dimension de
l'éveil en lien direct avec la pratique du Reiki !
Cette approche s'étant fortement répandue entre-temps, les mises en garde que vous aviez émises sur d'éventuels charlatans ont-elle changé ?
Disons que je les formulerais différemment, même si l'ignorance est, encore actuellement, toujours pavée de bonnes intentions ! À vrai dire, je me souci peu de ce que font les autres, même si je connais les risques d'une pratique mal enseignée. Pour faire court, les critiques restent les mêmes : incompétence, formations transmises trop rapidement, sans temps d'intégration entre les différents degrés. Des concepts "new age", pseudo-spirituels, sans réelle profondeur, sont souvent mélangés avec l'enseignement originel. Les plus dangereux seraient ceux qui prétendent que l'on pourrait tout guérir avec le Reiki. Il faut ici être très clair et vigilant : nous ne sommes pas des guérisseurs (et encore moins des médecins). C'est la personne soignée qui, en définitive, s'auto-guérit elle-même. Nous ne sommes là que pour l'accompagner, cheminer à ses côtés, et lui apporter l'Énergie, dont son intelligence corporelle, émotionnelle, mentale et spirituelle se servira, pour retrouver son équilibre.
Trouvez-vous que les ponts entre la médecine classique et le Reiki (et autres approches travaillant avec les énergies subtiles) ont évolué et se sont développés ces dernières années ? Le Reiki entre-t-il plus facilement dans le milieu hospitalier ?
Oui
et non. Il y a d'un coté une réelle ouverture. Les nombreux
ouvrages qui paraissent, ainsi que les émissions de télé
ou de radio qui traitent de ces sujets, en sont un exemple. On n'a jamais
autant parlé de méditation, de "pleine conscience",
d'énergétique, de recherches en neuro-plasticité, de
médecine quantique, de NDE, de "deuxième cerveau",
etc., qu'à notre époque, avec quelques incursions et expériences
faites en milieu hospitalier de ces approches, Reiki compris.
Mais d'un autre coté, je remarque qu'il y a une véritable chasse
aux sorcières en règle, où tout ce qui ne relève
pas de la médecine dite officielle est soit considéré
comme du charlatanisme, soit comme étant une secte. On se demande bien
qui, de ces deux tendances, a l'esprit le plus sectaire ! Quel dommage, surtout,
que de priver des personnes en souffrance, ou en quête de sens, de pratiques
qui pourraient leur apporter un apaisement et un réel bien-être.
C'est manquer de sagesse, même s'il faut faire preuve en même
temps de prudence et de discernement face à d'éventuelles dérives.
Auriez-vous un exercice pratique d'inspiration "Reiki" que les lecteurs pourraient mettre en pratique, sans devoir passer par l'initiation ? (Nous avons en effet une page complète dédiée à des exercices pour travailler sur les énergies subtiles. Vous aurez compris que ce sont donc des exercices accessibles, sans danger !).
Il y a,
dans l'enseignement du Reiki, une pratique, connue de toutes les traditions
spirituelle, mais qui a un sens particulier dans notre approche, que l'on
appelle "gasshô". C'est à la fois une posture du corps
et de l'esprit. C'est très simple à pratiquer, et l'impact peut
se faire sentir rapidement, même si l'initiation du Reiki en accroît
considérablement le ressenti. Mais gasshô est bien plus qu’une
simple gestuelle à adopter. C’est en réalité une
attitude, une façon d’être, celle d’exprimer ce que
nous sommes véritablement. Gasshô nous ramène dans l’espace
de non-séparation, main-tenant ! Ce pourrait être considéré
à la fois comme une pratique de kiko (qi-gong japonais) et une forme
de méditation.
Pour la pratiquer, veuillez dopter la posture assise qui vous convient. L'essentiel
est d'être confortable, le dos droit, et le plus détendu possible.
Puis, vous joignez les mains, paumes l'une contre l'autre, au niveau du sternum
_/|\_ . Vous demeurer ainsi, l'esprit centré sur la posture tout en
respirant tranquillement, en pleine conscience, le temps nécessaire
et selon vos possibilités. Avec l'entraînement, on peut rester
facilement une quinzaine de minutes sans ressentir de tension. Mais il ne
s'agit pas ici de performance pour autant, mais plutôt de tourner son
attention vers l'intérieur. Adopter le geste pur du gasshô amène
un profond lâcher prise, une ouverture inouïe, et nous relie à
l'espace du coeur. On pourrait encore ajouter que, selon la médecine
chinoise, ce "mûdra" (et les sentiments qu'il fait naître
en nous), harmonise les énergies yin-yang, ainsi que les deux hémisphères
cérébraux, nous connecte aux sentiments de gratitude et d'amour-compassion,
renforce et équilibre l'énergie de la loge du poumon (dont l'émotion
prédominante est la tristesse lorsque celle-ci est affaiblie). D'où
le fait de pouvoir ensuite "respirer la vie à plein poumon"
et d'honorer le Vivant à chaque instant. Ce geste-attitude favorise
ce que je nomme l'empathie spirituelle, qui n'est pas d'être en lien
seulement avec la peine et la douleur des personnes soignées, mais
aussi avec leur nature profonde, qui est au-delà de toute notion de
souffrance.
Avez-vous une actualité (une sortie de livre ou un stage spécifique) à mettre en avant ?
Si utile, il me semble approprié d'annoncer la parution de mon dernier livre "L'essence sacrée du Reiki", paru chez Grancher, qui est le fruit de plus de 25 ans d'enseignement et le plus abouti de tous ceux que j'ai publié.
© REIKIDO/Patrice Gros