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Instructions orales sur le Mahamudra : Mahamudra Upadesha (1)
Source de l'illustration : Veuillez cliquer sur l'image
Tilopa
Traduction par le comité Lotsawa, novembre 1989 à partir de
l'édition original de Rumtèk.
Extrait, ainsi que les commentaires du paragraphe suivant, de la revue Dharma
no 7.
Cet enseignement est également reproduit à la fin de l'ouvrage
de Chogyam Trungpa, "Le mythe de la liberté" paru aux éditions
du Seuil dans la collection Points-Sagesse. La version qui est présentée
ici, étant traduite directement de l'édition originale en tibétain,
est probablement plus fiable.
Tilopa, le fondateur indien de ce qui devait devenir la lignée kagyupa,
passa une grande partie de sa vie en nomade, étudiant la méditation
auprès de divers maitres. Finalement, il construisit une hutte en paille
sur les rives du Gange et y demeura, méditant en solitaire pendant des
années, jusqu'à réaliser mahamudra. Puis, il reprit une
vie errante, enseignant ceux qui se présentaient pour etre instruits.
L'un de ses étudiants fut le grand érudit indien Naropa qui, au
sommet de sa carrière académique à la tete de la fameuse
université de Nalanda, en Inde, ne supporta plus la vanité de
ses résultats mondains et son manque de compréhension profonde.
Sacrifiant tous ses gains, Naropa partit en quete d'un gourou authentique. Il
le trouva en la personne de Tilopa auprès de qui il étudia durant
douze années, jusqu'à réaliser lui aussi le profond enseignement
du mahamudra.
Hommage à la vajra-dakini.
Bien
que mahamudra ne puisse etre montré,
Fortuné Naropa, endurant et intelligent
Dans ton ascèse et ton respect du lama,
recueille ceci en ton coeur
A
l'exemple de l'espace en lequel personne sur rien ne prend place,
En mahamudra, il n'est point d'appui,
Sans artifice, en l'état naturel reste détendu.
Ainsi relachés, les liens, sans aucun doute, se dénouent.
Contemplant
le milieu de l'espace, sa vision disparait;
Quand l'esprit contemple l'esprit,
Toutes activités mentales cessantes,
L'éveil insurpassable est obtenu.
Les
brumes matinales dissipées en la sphère celeste
Ne sont allées ni ne demeurent nulle part;
De même, toutes les pensées émergeant de l'esprit,
Dans la vision qu'il a de lui-même, comme des vagues disparaissent.
La
nature de l'espace au-delà des couleurs et des formes,
Vétue de blanc ou de noir, demeure immuable.
De même, l'essence de l'esprit au-delà des couleurs et des formes,
Vétue de blanche vertue ou de sombre vice, demeure inchangée.
La
pure et brillante essence du soleil
N'est pas voilée par les ténèbres de mille kalpa (2);
De même, la lumineuse essence de notre propre esprit
Ne saurait etre obscurcie par des éons de samsara.
L'espace
peut etre qualifié de vide,
Bien qu'indescriptible par ce terme;
De même, notre propre esprit peut être nommé claire lumière,
Bien qu'une telle conception soit sans fondement.
Ainsi,
la nature de l'esprit est-elle à jamais semblable à l'espace ;
Et il n'est aucun dharma qui n'y soit inclus
Sans
agir, le corps naturellement tranquille;
Sans mot dire, la parole comme l'écho son-vide;
Sans
penser, le mental passe dans le dharma de l'au-delà.
Le
corps est intangible comme la tige du roseau;
l'esprit
au-delà des objets pensés est comme le centre de l'espace.
En cette sphère, détends-toi sans rien rejeter ni accepter.
L'esprit
sans référence est mahamudra.
Avec l'habitude, il est intégré et l'insurpassable éveil
est obtenu.
Les
tenants des tantras, de la prajnaparamita,
Du vinaya (3), des sutras, et des autres doctrines,
Ne verront pas la Claire lumière de mahamudra
Avec leurs textes et leurs philosophies.
Les
intentions masquent la vision de la claire lumière.
Les interdits et les engagements conceptuels nuisent à l'ultime samaya
(4).
Dans le non-agir du mental, sans aucun dessein,
Apparition et disparition sont spontanées comme les vagues,
Ne pas quitter le sens du sans demeure, sans référence,
Est garder le samaya; être flambeau des ténèbres!
Lorsqu'on
est liibre de toute intention, et ne demeure sur aucune conclusion,
Tous dharma et enseignements sont vus.
Pratiquer en cet état libère de la prison du samsara,
Méditer en cet état consume toutes négativités et
tous voiles,
C'est ce que l'on appelle etre le flambeau de l'enseignement.
Les
êtres ignorants qui n'aspirent pas à cet état
Sont emportés continument par les flots du samsara,
Avec compassion pour ces ignorants dans leurs continuelles souffrances,
Celui qui aspire à les liberer de leur insupportable malheur
S'en remet à un lama adroit :
Et son influence spirituelle pénétrant son coeur, libère
son esprit.
Eh,
merveille!
Ces dharma du samsara sont vains et causes de souffrance,
Artificiel et sans substance. Aussi, sache t'en remettre à l'authentique
essence.
Souveraine
est la vue au-delà de toutes fixations dualistes,
Souveraine est la méditation en l'état de non-distraction,
Souveraine est l'action du non-agir,
Le résultat est actuel lorsqu'il n'est plus aucune attente ni crainte.
Au-delà
de tout point de repère est la nature lucide de l'esprit;
La voie du Bouddha se découvre en l'absence de cheminement.
Quand il n'est plus rien à méditer, l'insurpassable éveil
est obtenu.
Eh,
merveille! Comprends bien les phénomènes du samsara :
Comme le rêve et l'illusion, ils ne sauraient être permanents.
Comme eux, ils n'ont pas d'existence authentique;
Aussi, développe le renoncement et renonce à l'activité
du samsara.
Coupe
toute relations passionnelles à ses objets,
Et, solitaire, médite dans l'isolement des forets et des montagnes.
Demeure en l'état de non-méditation.
Trouver l'introuvable est trouver mahamudra.
Coupe
à la base un arbre luxuriant : ses myriades de branches se dessèchent;
De meme, coupe la racine de l'esprit, et le feuillage du samsara flétrit.
Meme
si l'obscurité a persisté mille éons,
Un seul flambeau dissipe ses ténèbres amassées;
De meme, instantanément, la claire lumière de l'esprit
Dissipe les voiles et la négativité de l'ignorance, pendant des
kalpas accumulés.
Eh
merveille !
Le dharma intellectuel ne peut voir le sens du non-mental,
Le dharma de l'action ne peut réaliser le non-agir.
Si
tu souhaites trouver le sens du non-mental et du non-agir,
Coupe la racine de ton esprit, laisse la connaissance dans sa nudité,
Laisse se décanter l'eau trouble des pensées;
Laisse tel quel, ce qui apparait, sans rien arrêter ni produire.
En
l'absence de saisie et de rejet, toute apparence est mahamudra.
La base universelle non produite est libre de tendances et de voiles.
Demeure en son essence incréée, sans calcul ni intention.
Laisse s'épuiser les phénomènes du mental, les projections
sujet-objets.
Parfaitement
libre de toutes conclusion est la vue royale et sublime.
Profonde et sans limite est la méditation souveraine et suprême.
Sans opinion ni parti est l'action royale et sublime.
Sans espoir, ici-même, est l'esprit suprême.
Au
début, l'activité de l'esprit ressemble à une cascade tumultueuse,
Ensuite, elle coule, mouvante comme les flots du Gange,
Finalement, son eau est comme le fils rencontrant la mère.
Les
personnes dont l'intelligence est moins vive,
Qui ne sauraient rester en cet état, pratiqueront avec le souffle, raffinant
l'esprit.
Et, par divers regards et pratiques d'attention,
Le disciplineront jsqu'à savoir y demeurer.
Celui
qui s'en remet au karma-mudra(5),
Fait s'élever la connaissance primordiale de la félicité-vide
Entre en l'union qu'inspirent upaya et prajna;
Doucement il fait descendre, garde, renverse,
Fait remonter, dirige vers les centres,
Et dirige (bodhicitta) (6) dans tout le corps.
S'il
n'y a d'attachement,
S'élèvera la connaissance primordiale de la félicité-vide;
Dans une longue vie sans cheveux blancs, il croîtra comme la lune;
Avec un teint radieux, éclatant, et la force du lion,
Il obtiendra vite les accomplissements ordinaires
Et se consacrera au suprême.
Que
cette instruction essentielle du mahamudra
Demeure en le coeur des êtres fortunés.
Ce doha (7) est la parole du glorieux grand Tilopa qui réalisa spontanément
mahamudra. Il fut transmis au bord du Gange à Naropa, l'érudit
et accompli du Cachemire, à l'issue de ses douze épreuves.
Ces vingt-huit stances adamantines de mahamudra ont été transmises de la bouche du grand Naropa par le (8) roi des traducteurs tibétains : Marpa Tcheuky Lodreu. Au lieu septentrional de Poulahari, il en fit la traduction, celle-ci fut vérifiée et corrigée : elle est définitivement fiable.
Notes :
Ces notes ont été compilées par le copiste principalement à partir du livre de Chogyam Trungpa et de la revue Dharma.
(1)
upadesa : instructions orales.
(2) kalpa : éon.
(3) vinaya : les écritures contenant les règles de la
discipline du hinayana.
(4) samaya : les voeux de la discipline tantrique.
(5) karma-mudra : partenaire dans certaines pratiques des tantras (
troisième initiation )
(6) bodhicitta : ici bindu, c'est-à-dire la semence "physico-spirituelle"
source énergétique de la félicité-vide.
(7) doha : chant de réalisation ( note du copiste).
(8) par le : peut-etre aurait-il été plus juste de remplacer
"par le" par "au" , Naropa étant le maître
de Marpa (note du copiste).
==> Vous pouvez retrouver une autre traduction de ce texte ici.