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Il n'y a qu'une veille étonnée et respectueuse...

Jean Bouchart d'Orval

Jean Bouchart d'Orval

Notre vraie nature est liberté, joie, dynamisme et tranquillité. Si cela ne nous est pas évident maintenant, c'est que nous sommes encore hypnotisés par notre petit monde virtuel. Ce que nous appelons distraitement « notre vie » n'est pas la vie profonde : c'est un amoncellement colossal d'images statiques qui se réfèrent toutes à une autre image, celle d'un quelconque soi-même. Telle est l'existence fabriquée et automatique dont nous nous sommes contentés.

Dans un regard humble et désencombré, l’Éternel s’avance, car il est lui-même ce Regard. L’existence n’est alors plus réduite à une sordide lutte pour arriver à un but ; elle s’offre plutôt comme le parterre du regard et la récréation des cœurs.

 

Méditer comme Cela...

Méditer ce n'est pas appliquer une technique. Mais quand on se sent enclin à accepter l'invitation de la méditation, il y a un certain savoir-vivre à respecter afin de ne pas effaroucher son hôte. La «technique» de méditation peut être vue comme un simple savoir-vivre, comme un rituel de célébration du silence.

Il convient de se rappeler encore qu'il n'y a personne qui médite. C'est la méditation qui médite. «Si le Seigneur ne garde la cité, c'est en vain que veille la sentinelle», chante le psaume. La tendance habituelle de l'être humain est de s'approprier la vie, le souffle, la pensée, le désir, l'émotion, l'expérience et même… l'appropriation. Méditer c'est avoir confiance dans ce que nous sommes (l'Être) et cesser de tout nous approprier au nom de ce que nous ne sommes pas (l'individu).

On adopte généralement une position assise confortable. La verticalité du corps favorise la véritable verticalité, celle de l'Être. Il n'est pas nécessaire de s'asseoir par terre les jambes croisées, bien que cela représente la meilleure assise possible. On peut s'asseoir directement dans le silence et il n'y a alors plus rien à ajouter. Ce qui suit concerne les occasions où ce silence n'est pas évident.

On commence à examiner, avec autant de curiosité et d'intensité que le savant dans son laboratoire: c'est la passion du vrai. Afin de mieux voir, on ferme les yeux. Un certain état méditatif est certes possible les yeux ouverts, mais éventuellement les yeux se ferment dès qu'une certaine profondeur est atteinte. On laisse l'attention se promener un moment dans le corps. On note les endroits tendus, sans essayer de les détendre. On vérifie si on ne tient pas quelque partie du corps. Les sensations corporelles peuvent être de belles occasions d'attention et on peut arriver à percevoir le corps comme espace, ce qui est sa nature profonde.

On peut aussi laisser son attention se poser sur le souffle. On n'essaie pas de le modifier. Il n'y a qu'une veille étonnée et respectueuse. On observe l'inspiration, le repos, l'expiration, le repos. Dans le repos, particulièrement après l'expiration, un espace de non-respiration se fait sentir. Cet espace est aussi celui de la non-pensée, du non-désir. On note cet espace, tout simplement, sans essayer de le qualifier ou de le prolonger. On se donne entièrement à l'écoute de cet espace. Après un certain temps, il semblera peut-être qu'il demeure toujours présent à l'arrière-plan. Il n'y a que le silence et les formes qu'il assume: la respiration, les pensées, les sensations, les émotions, etc. La respiration perd de plus en plus son caractère compulsif, qui est toujours lié à l'idée d'être une personne. Il y a un abandon du souffle, qui n'est finalement qu'une occasion d'être attentif à l'espace.

Cette occasion peut aussi prendre la forme d'un mantra. En tant que forme sonore qu'on répète, il n'est qu'une formule pour célébrer avec Parménide: «Il y a l'Être». Le mantra convient particulièrement lorsque le mental est très actif. Mais fondamentalement, méditer ce n'est pas marmonner un mantra. Le plus important dans la méditation, ce n'est ni la posture, ni le mantra, ni la respiration, ni les pensées, c'est plutôt Cela qui médite. L'attention se porte donc sur Cela. Le corps est perçu comme Cela, le mantra est perçu comme Cela, la respiration comme Cela, le silence comme Cela, les pensées comme Cela, les désirs et les émotions comme Cela, l'ennui comme Cela, la joie comme Cela. Voilà, c'est comme Cela qu'on médite.

La non-violence suprême

Il n'existe alors pas de véritable dérangement, car les dérangements sont aussi Cela qui médite. Les pensées, on les laisse venir, on les laisse aller. Essayer de les suivre c'est dissiper l'attention. Essayer de les réprimer c'est une forme de violence qui ne mène à rien. On traite les pensées comme un gaz. On ne peut arrêter le mouvement des molécules d'un gaz en le comprimant; au contraire, le gaz s'échauffe alors et les molécules deviennent encore plus agitées. Que fait-on? On lui donne de l'espace, tout l'espace. Le gaz en expansion voit le mouvement de ses molécules s'atténuer naturellement, sans violence. En physique, on parle de la détente d'un gaz. En méditation, la détente mentale consiste à offrir aux pensées tout l'espace, à les reconnaître comme Pur Espace. C'est la non-violence suprême.

L'attention méditative n'est pas une concentration où toute autre forme que celle qu'on a élue est exclue et chassée hors du champ de conscience. Elle est inclusive: le Même accueille toute perception comme un nouveau surgissement du Même. Les pensées récurrentes dénotent un état émotif non résolu. Cela aussi on l'accueille. C'est uniquement dans cette ouverture que l'émotion peut éventuellement perdre son caractère dramatique et se résorber. Mais on n'accueille pas dans l'espoir qu'elle va se résorber. Dans l'attention méditative, il n'y a aucun calcul, car il n'y a personne qui médite.

Pur regard

C'est ainsi que le regard arrive à maturité. En fin de compte, il faut en arriver à oublier ce qui ressemble à des éléments techniques dans la méditation. Quand on sent l'invitation du sommeil profond, on se dépouille de ses vêtements, on se met au lit et on ferme les yeux. Que fait-on à ce moment précis? On ne dort pas, on fait semblant de dormir. Et le sommeil vient de lui-même, sans être mis en demeure de se produire. De même, quand on sent l'invitation à méditer, on se dépouille de ses prétentions, on s'assied les yeux fermés et on fait semblant de méditer; soudain la méditation est là.

La vision non duelle n'est pas un jeu pour quelques privilégiés. C'est notre héritage à tous. L'extinction de la souffrance passe par cette reconnaissance directe de « ce qui est ». Cela implique la capacité de n'être que regard sans intention, sans explication. Cette puissance d'attention permet d'accueillir sereinement les émotions, les désirs et les pensées en psalmodiant «Il y a l'Être». Toutes ces modifications du Regard sont accueillies dans leur nature véritable, qui brille alors en toute clarté: Pur Regard. C'est dans ce désencombrement total que souffle le vent de la silencieuse paix du ravissement resplendissant.

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