Cette sensation d'inexistence qu'on appelle l'éveil

Yolande

Yolande connaît un éveil spontané en 2003, au beau milieu d'une existence banale, de mère, épouse, femme d'affaires. Sans référence à aucune tradition spirituelle, elle témoigne par des entretiens.

Laurence Vidal : - Peut-on parler de pédagogie de l'Éveil ?

Yolande - On peut en parler, si on veut... Mais, profondément, ça ne sert à rien. Car on aura beau en parler pendant des milliers d'années, tant qu'on ne le découvre pas par soi-même on ne peut pas le voir, on ne peut pas l'entendre.
Moi, j'ai envie de dire : soyez tout simplement ce que vous connaissez actuellement. Soyez honnête envers vous-même... Qu'aimez-vous en ce moment ? Que faites-vous ? Que sentez-vous ? Que pensez-vous, là, maintenant ? À ce qui est là pour vous, en cet instant, donnez-vous pleinement... Votre conscience individuelle est universelle, donc donnez-lui votre coeur et votre esprit. Ne pensez à rien d'autre... Quand cela se fait naturellement, sans effort, c'est le plus haut des états.
C'est « cette chose », Absolu, Réalité ultime, qui vous cherche. Et qui vous trouvera au moment où Elle l'aura décidé. Dans cet état au-delà de tout état, dans ce grand coeur qui bat éternellement, spontanément, vous découvrirez qui vous êtes vraiment...
Car la seule vraie pédagogie, c'est une fois « cette chose » mise à découvert. « Cette chose » qui fait que l'on cesse de se prendre pour ce que l'on n'est pas : le corps, les sens, le mental, les émotions ; que l'on cesse de se prendre pour une personne. Cette sensation d'inexistence, qu'on appelle l'Éveil, est spontanée, instantanée. Là, une clarté se fait, une transformation intérieure, un enseignement intérieur très puissant.
Et c'est le seul enseignement vrai.

- C'est « cette chose », cet Absolu qui enseigne...

- Oui, c'est cette découverte qui va prendre le pouvoir sur tout, donc sur l'ego.
On ne peut pas tuer l'ego. Mais « cette chose », elle, a le pouvoir de faire en sorte que l'ego n'ait plus le pouvoir de se reconstruire d'instant en instant. On continue à jouer notre rôle, à vivre avec cette conscience manifestée, mais elle n'apparaît plus qu'au second plan. Au premier plan, il y a ce silence, cette verticalité. Alors l'horizontalité, c'est-à-dire la conscience manifestée, est.

- À ceux qui s'identifient toujours à leur « personne » et aspirent à l'extinction de l'ego, que peux-tu dire ?

- D'accord, il n'y a pas eu la découverte de cet état, mais... Mais cet état - qui n'en est pas un - on l'est tous déjà. L'Éveil, c'est la découverte de l'unicité. C'est voir qu'avant d'être cette conscience manifestée, qu'elle soit individuelle ou universelle, tu es « quelque chose » qui est « en amont ». Tous, on est « cette chose », on est cet Absolu. Simplement, c'est recouvert par cette conscience.
Donc, « cette chose » est là, cette puissance est là. Et c'est elle qui va te trouver. C'est elle qui va te saisir, te faire découvrir la réalité vraie. C'est elle qui va t'enseigner.
Découvrir votre vraie nature. Il n'y a que vous et, quand vous savez cela, il n'y a que l'amour.

- Avant ça...

- Avant ça, si j'en crois ma propre expérience, il s'agit d'être tout simplement ce qu'on est, d'être honnêtement ce qu'on est. Autrement dit, de faire un avec la vie, avec ses désirs, ses souffrances, avec tout ce qui se présente. C'est vivre pleinement, intensément, simplement... C'est ne pas se croire plus fort que soi-même. C'est éviter d'avoir deux ou trois voix dans sa tête - déjà, une qui affirme que l'on est une personne, ça suffit ! C'est essayer d'accepter la vie telle qu'elle est, du mieux qu'on peut, sans prétendre avoir la capacité d'être autrement que l'on est, de faire autrement que l'on fait.

- C'est accueillir la vie comme elle est, sans l'éternel commentaire qu'elle devrait être autrement ?

- C'est être le plus fluide possible avec la vie. C'est ça vivre simplement. Ça ne veut pas dire avoir une vie très intense, très mouvementée. C'est, quelle que soit ta vie, passionnée si tu es de nature passionnée, tranquille si tu es d'un naturel tranquille : l'accepter telle qu'elle est. Déjà, bien souvent, il y a une voix qui murmure « je devrais m'y prendre autrement, ma vie devrait être autrement... » Alors, accepter cette voix. Ne pas compliquer les choses. Ne pas laisser s'imposer, par exemple, une nouvelle voix qui dirait « il ne faut pas qu'il y ait cette voix qui parle dans ma tête »...
Se laisser vivre, simplement, la vie qui apparaît à nous.

- Quand tu dis « vivre intensément » : de quelle intensité parles-tu ?

- Je fais référence à ce que j'ai vécu. Je n'ai pas eu une vie intense, avec des passions, des choses qui m'ont fait vibrer fort. Non... Vivre intensément, pour moi, c'est vivre intensément l'amour de ton fils, vivre intensément l'amour de ta mère, vivre intensément l'amour de toi-même... Tu vois, c'est ça. Peu importe si tu es une star ou une femme de ménage. « Intensément », ça fait référence à l'amour de la vie. Ça peut être tout aussi bien vivre intensément la fête situ es une fille qui fait la fête, ou la saveur du vin que tu es en train de savourer... Intensément, c'est tout. De toute façon, la vie se charge de nous et nous ramènera là où il faut.

- Quelqu'un qui est dépressif, qui n'aime pas la vie, qui ne s'aime pas lui-même... il est à des années-lumière de cette vie spirituelle, alors ?!

- Non. Car tu peux aussi vivre intensément ces moments de crise, ces moments où les choses ne vont pas comme tu veux... puisqu'il s'agit d'accepter la vie telle qu'elle est. Quelle qu'elle soit dans l'instant.
Il y a des gens dépressifs qui sont très spirituels.
Vivre intensément, c'est ne pas se poser davantage de questions que ce qu'on se pose déjà du seul fait de se prendre pour une personne.

- C'est sentir les choses, sentir ce qu'on est en train de faire, se donner entièrement à la vaisselle qu'on est en train de faire, au choc émotionnel qui vient nous perturber.. plutôt que de penser ?

- C'est vivre sa vie en faisant la vaisselle et en ayant dans la tête toutes sortes de pensées qui nous embarquent ailleurs. C'est s'accepter vraiment tel qu'on est, avec cette petite voix dans la tête puisque c'est elle qui se présente.

- On parle souvent du témoin, de l'observateur : être conscient de ce qu'on fait, se voir en train de penser, en train de réagir... Ce ne serait même pas la peine !

- S'accepter tel que l'on est, tel que l'on vit... y compris d'avoir vécu toute une journée sans être conscient une minute tellement on a eu de pensées. Et y compris la voix qui dit qu'on aurait dû être autrement dans telle situation, face à telle personne ou à telle émotion. Accepter l'existence. Parce que, de toute manière, tel que l'on est, avec ce que l'on perçoit, ce que l'on croit, on ne peut pas ne plus être là en tant que personne... Donc, il faut laisser faire, il faut laisser à cette puissance la possibilité de « se découvrir » quand elle l'aura décidé. Quand la sensation d'exister disparaît, il n'y a plus rien à faire. Le silence a un discours ininterrompu qui enseigne constamment.

- Et pour ça le « oui » à la vie est plus propice que le « non » ?

- Je ne dirais pas le oui... Une certaine neutralité, une justesse, plutôt. Parfois, on sent qu'il faut dire non. C'est davantage une fluidité, une justesse, qu'un « oui ». Une neutralité qui permet de ne pas totalement être là... tout en étant là.

- Mais ça, cette justesse, est-ce la personne qui la « trouve » ? N'estce pas déjà « cette chose » qui est entrain d'agir ?

- Dès le moment où l'existence a pris le pouvoir - c'est-à-dire la conscience qu'on a de l'existence de soi et du monde - il faut arriver à la vivre, à vivre cette existence, à vivre sa vie sans chercher ce sentiment d'inexistence qui pourrait apporter, croit-on, un bien-être, une tranquillité... Ça, c'est faux. « Je » ne peut pas trouver l'inexistence. « Je » n'a pas à la chercher. C'est l'inexistence qui doit nous saisir.

- Donc, suivre une voie spirituelle n'a aucun sens ?

- Si, elle a son sens. Si ma vie m'amène à avancer sur une voie spirituelle, avec des techniques de méditation, avec une progression apparente vers des états de conscience de plus en plus subtils, il faut respecter ça. Il faut y aller, le vivre pleinement, intensément. C'est ça aussi, accepter ma vie telle qu'elle est !
Accepter son chemin tel qu'il est... pour qu'un jour il n'y ait plus de chemin connu.

- On parle souvent d'être présent à l'instant, d'accueillir l'émotion, la sensation... Cette vigilance, n'est-ce tout de même pas un chemin ?

- Oui, c'est un chemin. Ça fait partie de l'existence. On est tous là spontanément, et on vit tout cela. À chaque instant on a des émotions, des situations qui nous font vivre des choses. Et un jour, sans qu'on le veuille, sans qu'on puisse rien faire pour, ni contre, il y a ce face à face qui se fait. Ce basculement, qui fait qu'il n'y a plus cet aveuglement sur ce qu'on croit être - nos émotions, nos sens, notre mental... On s'aperçoit qu'on n'est pas tout ça. On continue de vivre avec tout ça, mais on ne l'est pas. Notre véritable nature n'est pas cela. Notre véritable nature c'est quelque chose d'inexprimable... Découvrez, et vous verrez...

- Amour, méditation, présence même ça, n'est-ce pas quelque chose qui nous saisit, plutôt qu'un acte, un choix « personnel » ?

Bien sûr. C'est justement ça qui est beau dans l'amour : c'est que l'amour ne se pense pas. Tout d'un coup, il te saisit. La magie, c'est qu'il a la capacité de te faire t'oublier, de t'arracher à ta conscience individuelle pour te plonger dans la conscience universelle. C'est pour ça qu'il y a fusion. C'est pour ça que les premiers mois, les premières années, sont toujours exceptionnels. Mais, plus ou moins vite, la conscience individuelle reprend le dessus... et il faut changer de partenaire !

- Que penses-tu de l'assise, de la méditation, de toutes les « pratiques spirituelles » proposées par les voies progressives ?

- C'est aussi bien que n'importe quoi... Mais il n'y a rien qui fait qu'on sera plus apte à être saisi. Certains, qui ne sont jamais passés par aucune pratique spirituelle, peuvent être saisis par « cette chose ». L' inverse également.

- C'est à la fois très encourageant et très décourageant, ce que tu dis. Décourageant parce que ce que je fais ne change rien à rien le chemin est le chemin. Et encourageant... pour la même raison !

- C'est vrai ! Mais c'est ce que je vois. C'est ce que je sens... « Faites ci, pratiquez cela », je ne peux pas dire ça : je ne le vois pas comme ça.

- À part se donner pleinement à ce qu'on vit...

- Voilà. Donner tout son coeur à la vie telle qu'elle est... Et ce grand coeur qui bat éternellement viendra nous saisir. Là, on ne pourra qu'apprendre, on ne pourra que découvrir chaque instant, à chaque instant. Parce que c'est tellement passionnant que c'est tout le temps là. C'est placé avant toute chose, avant tout ce qu'on croirait être. C'est ce grand livre, ouvert à l'intérieur de soi, qui nous donne la clarté de voir la réalité...

- On vit parfois des expériences extraordinaires, dans les « voies progressives », des visions, des clartés, des espaces infinis.., des moments si intenses que la conscience « moi je », parfois, s'efface. Quelle est la valeur de ces expériences, selon toi ?

- C'est ce qu'on peut appeler des moments d'ouverture. L'intensité y est telle qu'elle prend le dessus. Il y a un dépassement de soi-même.

- On est où, là ? Toujours dans la conscience universelle ? Ou dans « autre chose » ?

- Je serais tentée de dire que c'est la conscience universelle qui est là, qui est très ouverte... Tu n'es plus là en tant que personne.., mais tu n'es pas non plus déconnecté.
Tant qu'on reconnecte, ne serait-ce qu'un instant, à la conscience individuelle, c'est qu'on n'a pas pris la voie directe et qu'on ne demeure pas dans l'Absolu, dans le Silence absolu.

- La vraie déconnection, l'Éveil, c'est une fois pour toutes ? On ne revient pas en arrière, c'est ça ?

- On ne peut pas. C'est tellement fort qu'il n'y a pas de retour. Il peut y avoir des moments de doute, parce que la conscience est toujours là : simplement, elle n'a plus le pouvoir. Mais cette intensité, « cette chose » qui est avant tout être, ça ne lâche plus la conscience, qu'elle soit individuelle ou universelle. Les yeux fermés, les yeux ouverts, tu vois ; tu es toujours dans cette clarté, dans cette Réalité ultime ; et ce, même si ce monde se manifeste aussi : tu sais où il est, tu sais à quelle place il est... Donc, non, il n'y a pas de retour. «Cette chose » prend le pouvoir sur tout, et tu n'as plus, en tant que corps, en tant que mental, en tant que soi-disant personne, le pouvoir de faire marche arrière. C'est une déconnection sans retour.

- Ces états n'ont rien à voir avec l'Éveil, d'accord. Ils n'y « préparent » même pas, d'accord. Ne sont-ils pas, quand même, des avants-goûts, ou des avants-regards, de ce qu'on perçoit après ?

- Dans l'instant : oui. Mais « je » revient ensuite. Ce n'est donc pas la déconnection totale, celle qui te fait être au-delà de tous ces états même quand ils t'apparaissent.
Il y a des voies directes qui ne sont pas passées par ces «avant-goûts ». Et d'autres, avec avants-goûts. Dans tous les cas, la déconnection à l'idée d'être quelqu'un est spontanée, instantanée, constante et sans fin.

- Donc suivre « une voie spirituelle », c'est un chemin comme un autre, mais ce n'est pas une « voie vers » l'Éveil...

- Ça n'a juste rien à voir, oui... Mais il faut respecter ce chemin.

- ...ce chemin qui n'est ni plus ni moins « bien » que n'importe quel chemin de vie...

- Exactement.

 

Propos recueillis par Laurence Vidal

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==> Voir également cette autre interview.

 

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