Le Veilleur Silencieux

Serge  Pastor


Proche de l’enseignement de J. Krishnamurti, Serge Pastor est enseignant et rééducateur en psycho-pédagogie auprès d’une population d’enfants et d’adolescents en difficulté. Son expérience, il la raconte par l’expérience de la rencontre avec ce qu’il nomme le Veilleur Silencieux.

Ma rencontre avec le Veilleur Silencieux s’est produite un soir de printemps.
A l’arrière-plan de l’agitation et du jacassement mental incessant de l’Ego, se tient, calme et immobile, le Veilleur Silencieux.
Je ne l’attendais pas. Je ne Le connaissais pas. Je n’en avais même jamais entendu parler, ni dans mes lectures, ni dans mes rencontres.
Pourtant, au soir de ce 21 avril 2001, alors que j’étais assis sur un rocher, dans une petite crique au bord de la Mer Méditerranée, face à la splendeur irisée d’un coucher de soleil dont les derniers rayons caressaient et réchauffaient tout mon corps, Il est venu à moi, sans prévenir.
Alors même que j’observais avec joie les perles dorées de lumière scintillante qui retombaient à chaque fracas de vague sur les parois rocheuses, Il a surgi de l’intérieur, à la manière d’un souffle bienfaisant et aimant de feu et de glace, balayant tout sur son passage telle une lame déferlant sur le frêle esquif de ma personnalité littéralement mise devant le fait accompli.v Instantanément, une paix mêlée d’un profond sentiment chaleureux d’amour pour toute la création, envahit tout mon être.
J’étais un et en même temps multiple. J’étais le corps, le rocher, la mer, le soleil, le ciel, la terre.
J’étais un avec ces rares voiliers qui rentraient au port, avec ces mouettes au loin, ces personnes qui se hâtaient de rentrer en marchant le long du sentier du littoral. L’intérieur et l’extérieur ne formaient qu’un tout sans aucune frontière, aucune séparation.
J’étais à la fois l’observateur et la chose observée, sans mot, sans forme-pensée ou idée pour tenter de traduire quoi que ce soit.
En cet état, aucun conflit, aucun choix, aucune attente ne me perturbaient. Une quiétude infinie m’envahissait. Une présence une et totale à la vie.
Une sérénité indéfectible, éternelle, coexistait à l’intérieur et à l’extérieur de moi, et semblait me traverser.
L’Ego encapsulé de chair, gainé et enserré dans ce corps séparé qui déambulait il y a quelques minutes au bord de la plage, avait purement et simplement disparu.
La respiration de mon corps épousait le mouvement de la vie. Elle était lente et s’emplissait, se nourrissait d’elle-même, un peu comme si je me respirais à moi-même, sans intérieur ni extérieur à combler, sans espace-temps à remplir.
Dans cet ici et maintenant, j’étais le monde.
[…]

J’étais un être neuf, celui que j’avais toujours été et que j’ignorais totalement jusqu’à ce 21 avril.
Le Silence était là, tout simplement, et “je” n’étais plus une entité à part entière. “Je” était le monde, ce que j’avais toujours été.
Le “moi” avait baissé la garde et, ne le nourrissant plus, il se mourait à lui-même.
Un processus de vie et de mort instantanées s’opéra alors à l’intérieur de moi, un peu comme si une “liquidation” de mes vieilles peaux était engagée.
Durant ce processus transformationnel, je vis, tel un spectateur aimant et joyeux, “l’ancien moi” résister et ne voulant pas se vider de sa substance. Avec la plus grande simplicité qui soit, je renonçai à son pouvoir, à son autorité d’autrefois, à son lot de mesquineries, à tous ses faux-semblants. Sa fausseté m’apparut avec lucidité.
Un sens intérieur prit naissance.
Le Veilleur Silencieux que je ressentais comme non-langage, non-verbal, non-formel, “parlait” en moi, à travers tout mon être.[…]

Le Veilleur Silencieux a surgi comme la brise du matin caresse le visage de l’enfant lorsqu’il ouvre la fenêtre de sa chambre et de son cœur.
Il est resté présent durant plus d’un mois.
[…]

Chaque matin, entre 3 h et 6 h, le Veilleur Silencieux émergeait instantanément et avec bienveillance de mon être intérieur, suite à tout questionnement que je me posais. A chaque contact, le lien fut limpide, authentique, pur, sans aucune équivoque possible.

Serge Pastor, extraits de l’avant-propos, L’Écroulement de la Forteresse de l’Ego ou l’Éclosion de l’Amour, A.L.T.E.S.S.E., 2004.

Vu sur : http://www.revue3emillenaire.com/lire/lire.php?menu=lire&page=temoins2&art_ident=20

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