L'oeil de la sagesse discriminante
L'oeil avec lequel je vois Dieu est le même que celui avec lequel Dieu me voit.
Maître Eckhart
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Une "bascule" dans la dimension non-duelle s'est produite
une nuit durant mon sommeil. Sûrement faisait-elle suite à
la discussion que j'avais eu la veille à la fois sur la nature des
pensées, et sur le fait de pouvoir demeurer sans pensées.
Cela commença comme un rêve au cours duquel j'essayais de pénétrer
la nature des pensées, de saisir leur origine. C'est comme si je les
regardais en face, pénétrant leur substance, leur énergie.
Un texte dzogchen préconise de "regardez simplement les pensées
avec l'oeil de la conscience discriminante" car, lorsque toute pensée
disparaît, il reste la pure conscience qui se trouve derrière ou en amont.
Cela m'amena ainsi à remonter jusqu'à l'esprit, le mental, d'où
elles s'élevaient, puis jusqu'à la source même de l'esprit,
qui n'est autre que la Conscience impersonnelle à l'origine de tout,
tel un espace infini de connaissance. Ce processus se produisait naturellement,
comme une introspection spontanée. De cette dimension, il était
reconnu que les pensées elle-mêmes n'étaient autre que
le jeu de la conscience éveillée, son déploiement, et
qu'en aucun cas elles n'étaient un problème ou obstacle à
quoi que ce soit.
Si seulement cela pouvait être reconnu, la libération serait
assurée.
J'ai eu l'impression, la conviction même, que (je) pouvais rester ainsi
indéfiniment, établis dans cette essence. Un sentiment de félicité
et de jubilation régnait dans cette reconnaissance, qui est celle du
non-soi car, paradoxalement ici, il n'y a que la Conscience, impersonnelle,
éternelle, qui jouit de sa propre existence.
Le rêve du rêve nocturne avait non seulement pris fin, mais également
celui de la réalité duelle apparente au sein duquel nous vivons.
C'était étrange car je me suis alors réveillé
tout en étant endormis, totalement conscient de ce qui venait de se
produire. Un sommeil momentanément lucide, en quelque sorte.
J'ai souris intérieurement car je me suis dit que cela pouvait être
un "geste de l'éveil", celui de reconnaître, non seulement
les pensées et l'esprit qui les génère, mais la manifestation
tout entière, comme étant indifférenciés de leur
source, comme si tout n'était que l'expression de cette vacuité
consciente... Ne dit-on pas dans le Sûtra du Coeur, un texte du bouddhisme
Mahayana, que "la forme est vacuité" et "la vacuité
est forme" ?!
À y regarder de plus prés, il semblerait que la libération
soit bien plus proche qu'on ne le pense...
Lorsque les pensées s'élèvent dans notre esprit, si l'on a par le travail de la méditation appris à ne pas les saisir ou à ne pas les rejeter, alors que fait-on ? On observe simplement ces pensées et on voit, dans cette vision directe, l'indissociabilité de notre esprit et de la pensée. Ce qui s'élève est le mouvement même de l'esprit ; en observant la pensée on peut arriver à voir sa nature ultime et, voyant la nature ultime de la pensée, comprenant qu'elle est indissociable de l'esprit, on perçoit la nature de l'esprit. Donc toutes les pensées qui s'élèvent sont autant d'occasions de percevoir directement la nature de notre esprit.
Guendune Rinpoché
Et l'esprit est en amour avec cela parce que l'esprit est cela même jouant sous la forme manifestée d'un processus mental.
Charles Coutarel