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De la prison à la mission

Jacky  Van Thuyne

Jacky  Van Thuyne


Arrêté après un affrontement sanglant à la frontière Belge, suite à un cambriolage avec prise d’otage, Jacky Van Thuyne, brute du “Milieu”, boucher de métier, est transféré à la Santé. Là, un soir, il participe, avec méfiance, à une classique séance de spiritisme qui lui révèle un monde dont il ne voulait pas jusque-là soupçonner l’existence.

Je suis bouleversé. Jusque-là, j’avais eu un rapport ambigu à Dieu. Je niais avec force son existence, mais en même temps je le refusais avec violence. Une fois, Sabine avait proposé à Paul de faire une prière ; je m’étais mis dans une colère monstre :
- arrête tes conneries ! Je t’interdis de lui parler de tout ça ! On lui apprendra seulement à être gentille avec les gentils, et méchante avec les méchants.

Et voilà qu’au travers de ce que j’avais considéré comme un jeu sans réelle importance, un « au-delà » surgissait dans ma vie, que je ne pouvais nier.
Je vais me coucher, très impressionné, et c’est alors qu’arrive la « chose »…
Tandis que je dors profondément, c’est comme si « on » me réveillait avec précaution ; je me sens alors comme baigné d’une incroyable douceur ; plus qu’une douceur ; c’est difficile à dire. Je suis là, et je ne suis pas là ; je me laisse envahir dans tous les membres, sans effort, ni physique, ni cérébral.

La matinée se passe dans une sorte d’absence bienheureuse.
L’après-midi, c’est comme un voile, quelque chose de très léger, à la hauteur du front, où plutôt dans le front, qui s’enroule, qui est enlevé, de gauche à droite, en oblique. J’ai le sentiment de devenir intelligent, de comprendre. Jusque-là, je ne pouvais exprimer ce que je ressentais et voilà que je trouve les mots facilement pour le dire. C’est le samedi, je connais trois jours d’une plénitude inouïe. Je vis les contraintes quotidiennes dans une sorte de détachement radical. Habité…

Mais, le mardi matin, je me réveille et le vieil homme en moi retrouve sa hargne.
- Mais, alors, Dieu existe, et c’est quand même la merde ! Les « Giscard », les « De Gaulle » vont à la messe et ça n’empêche pas les gosses de crever de faim, et les guerres et les Goulags… ? La colère me prend, et d’un coup disparaît la béatitude paisible qui m’enveloppait.

Pourtant, tout change dans mes valeurs ; moi, qui mangeait de la viande deux fois par jour, je n’ai plus envie que de légumes ; moi qui était si friand de livres de la série noire, de romans-feuilletons, ça ne m’intéresse plus ; ni la montre d’un million, que je donne, ni l’argent, ni le sexe. Plus rien à foutre de tout ça. A la place, une sorte d’émerveillement pour des riens : un rayon de soleil au travers des barreaux, une fourmi vivante sur le sol, la timide gentillesse de Didier. Mille petits bonheurs dans l’enfer de la taule qui me donnent le sentiment d’accéder à une liberté nouvelle, malgré les murs crasseux, l’absurde de l’enfermement. Même les matons, - comme si l’hostilité, le ressentiment étaient tombés - deviennent des hommes comme les autres.
Je me surprends, indépendamment de moi, à leur dire « bonjour », « merci, surveillant » avec douceur.

Oui, une liberté nouvelle… comme si s’était défaite d’un coup la cuirasse que je m’étais fabriquée depuis des années, d’intolérance, de certitude, de violence pour me défendre d’une faiblesse qui m’aurait mis à la merci de tous ceux que je considérais comme des pauvres mecs et que j’éprouve maintenant comme des frères.
Enfin, libre d’aimer…

Philippe Maillard & Jacky van Thuyne, Le rebelle, Edit. du Cerf, 1988.

 

Jacky Van Thuyne

Jacky Van Thuyne, une personnalité inattendue, un homme étrange. Après des années d’échecs et de révolte Jacky était mort à lui-même et au monde. Jusqu’au jour où en prison il reçut une goutte de vraie vie. Depuis, il témoigne de son Amour pour Jésus-Christ, en aidant les ex-détenus à sortir du tunnel.
Né en 1945 dans le nord, Jacky fonde à 21 ans sa propre entreprise de transport. Après de nombreux échecs, il tombe dans le banditisme, cambriolage, braquage à main armée, homme très dangereux. En prison en 1981 (prison de la santé) dégoûté de tout.

Un vendredi soir de septembre 1981 il est seul dans sa cellule, et d’un seul coup, il se dit “s’il y a une vie après la mort, alors Dieu existe” . Il était mort affectivement, socialement. En se disant “Dieu existe” , il est envahi d’une douceur infinie et d’une grande tendresse. Un voile se déchire, il est envahi par l’Amour pour les gardiens.

Il ressent alors une très grande faim de savoir. Il lit alors tout ce qui lui tombe sous la main, sans oublier la Bible que lui avait passée le Père Philippe Maillard, puisque détenu à Loos-les-Lille. Il prie, se recueille, il est régénéré par le Christ. Dieu a fait irruption dans sa vie. Il ose nommer Dieu, dans sa cellule. Il récite le Notre Père. Puis c’est une série de sauvetage, aide aux détenus en difficultés. On se moque de lui. Il apprend à aimer les plus misérables détenus. Accepté comme “auxiliaire”  à la prison, il aide, porte le café, distribue les repas, nettoie les couloirs, bureaux, subit toutes les humiliations des surveillants.
Puis aux Assises, c’est le miracle. “Avez-vous dit aux gendarmes, dit le Président , que Van Thuyne a cherché à vous atteindre ? Non, peut-être que le coup est parti seul, dans la bagarre”. Témoignages pour Jacky très favorables.

Alors le Président demande à Jacky s’il a quelque chose à ajouter. Jacky se lève, avec un grand sourire “Ma vie désormais, c’est de servir Dieu dans mes frères les plus pauvres. Quelle que soit la peine que vous m’infligerez, c’est bien. Il y a beaucoup à faire en prison, et je n’aurai jamais assez de temps de ma vie pour remercier le Christ”.

Au lieu de 15 ans, il écope 8 ans et avec les remises de peine, il sortira quelque mois plus tard. Jacky nous dit : “Je suis né du Pardon, né de la Bible, de la Croix. J’étais mort, je suis revenu à la vie”.

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Témoignages : Je suis né deux fois

Une enfance sans amour, une éducation à l'école de la rue dans la violence et la misère, une de ces enfances qui vous durcit et vous ferme le coeur. L'alcool, la marginalité, la délinquance. Et puis un jour...

Il m'attend sur le perron de cette immense bâtisse, mi-ferme mi-château, campé fermement sur ses deux jambes, les bras croisés, solide comme un roc. Nous sommes en Champagne, il fait froid. C'est le mois de février et une mince couche de neige recouvre le plateau aride, balayé par le vent. Il m'accueille dans son bureau. Je vois ses yeux, bleus comme de la porcelaine, des yeux qui expriment à la fois de la douceur et de la dureté. Je branche mon magnéto et j'écoute :
« Je m'appelle Jacky Van Thuyne. Je suis né dans le Nord où mes parents tenaient un café. J'allais à l'école pieds nus, vêtu d'un slip et d'un tablier. Mon domaine, c'était la rue. Mon père ne m'a pas élevé, il m'a dressé. Un jour, il a décidé que je devais nager. Alors, il m'a jeté dans le canal et, pour m'en sortir, j'ai fait comme les chiens. Il n'était pas mé-chant, mais brutal et frustre. Il buvait sept litres de vin par jour sans être saoul. Comme il ne voulait pas que je traîne dans le café, il me disait " Va dehors ! " »

Jacky était un petit dur, livré à lui-même. Il n'a pas bien connu sa mère. C'était une femme effacée, au psychisme fragile, qui a sombré dans l'alcool. A 14 ans, il a abandonné l'école pour devenir garçon boucher. A 16 ans, sa mère les a quittés, usée par la vie.
« Je suis revenu aider mon père au café et j'ai fait connaissance, moi aussi, avec l'alcool. Ça m'a abîmé, cassé, alors que j'étais sportif. La vie a continué, avec mon père, sans véritable affinité. Nous n'avions aucun échange de père à fils. Son moyen d'expression, c'était la violence. Alors il frappait. »

Ensuite, le service militaire est arrivé, puis l'Algérie et le retour au café. Il avait 21 ans. Il est alors devenu convoyeur de véhicules industriels et a monté sa propre entreprise, tout en continuant à aider son père. Il a ensuite épousé Florence.
« C'était une oie blanche. Elle avait 18 ans, le Bac et suivait des cours pour rentrer en faculté. J'étais ébloui. Elle aimait l'alcool à la menthe, jouait du piano, faisait du cheval et n'avait aucune idée de la façon dont on tenait un ménage. »
Forcément, ça s'est mal terminé puisque Florence est devenue alcoolique, ne supportant pas la vie qu'ils menaient, et a demandé le divorce.
« Découragé, j'ai décidé d'abandonner mon affaire qui marchait bien (j'avais onze chauffeurs). »

Le doigt dans l'engrenage

Jacky avait subi trop d'échecs et a brusquement basculé dans la marginalité. Il a enchaîné les petits boulots : disc-jockey, vendangeur, assureur, une tentative pour reprendre un café-discothèque. Puis, l'engrenage : il est devenu un voyou. «J'ai attaqué une pompe à essence puis un supermarché. J'ai pris de l'assurance et j'ai multiplié les braquages avec des amis gitans. J'étais révolté et ma vie était devenue un cul-de-sac. J'avais toutes les passions, le risque, le jeu, les filles, la boisson. J'étais susceptible, violent, un écorché vif. Je ne supportais pas que l'on me résiste. J'étais devenu un abruti. Puis, est arrivé le premier séjour en prison et l'escalade. Entre temps, j'ai épousé une femme merveilleuse qui a accepté cette vie d'errance et nous avons eu deux filles. »

Un jour, alors qu'il était avec un ami, un contrôle de police a mal tourné.
« Pour nous échapper, nous avons pris un flic - que nous avions blessé - en otage et nous nous sommes retrouvés en cavale. »
C'est à partir de ce moment qu'il a été fiché au grand banditisme. Ils sont devenus des fugitifs et n'avaient plus de contacts avec la vie réelle. Après bien des péripéties, ils ont été arrêtés à Paris, en 1981, d'une façon rocambolesque par les commissaires Broussard et Leclerc.

« J'ai été incarcéré à la Santé et là, ma vie a basculé à nouveau. Un soir, un gars m'a dit : " On va faire une séance de spiritisme. "Je ne savais pas ce que c'était et j'ai trouvé ça marrant. Je me souviens qu'un vendredi soir, je me suis dit: " S'il y a une vie après la mort, Dieu existe ". Dès cet instant, une douceur infinie m'a envahi. J'étais comme apaisé, absent, en paix. Le lendemain après midi, j'étais toujours dans un état comateux lorsque j'ai senti comme un voile qui se déchire en oblique derrière mon front, telle une couche de gaz qu'on enlèverait. C'était très doux et j'ai eu l'impression de devenir intelligent d'un seul coup. Depuis ce jour, je n'ai plus été le même. Je suis devenu cohérent et j'ai commencé à me construire. J'ai eu une soif énorme d'apprendre, de comprendre. »

Sur les conseils de l'aumônier de la prison, Philippe Maillard, il a lu la Bible, la Thora, le Talmud, Confucius et bien d'autres. Lui, si violent, caïd respecté en prison, a commencé à changer.
«J'ai été habité d'un sentiment altruiste et j'ai aidé les autres. J'avais une montre « Oméga » d'occasion, dont j'étais fier, achetée 17 500 francs en 1978 et je l'ai donnée ! »

Un lieu de guérison intérieure

Il a été transféré à la prison de Loos-les-Lille, dans les quartiers de haute sécurité, en attente de son procès. Il risquait la perpétuité pour prise d'otage avec tentative de meurtre sur un gendarme et il a plongé dans la foi comme il s'était enfoncé dans la galère, c'est-à-dire totalement.
« Avec l'apaisement du coeur, la raison et l'intelligence émergent. A un moment donné, je me suis occupé en prison de trente gars, la plupart dépres sifs ou malades. »

Puis, le procès arriva et là, le miracle - le gendarme qui avait été blessé se rétracte, avouant que le coup de feu parti dans la bagarre était involontaire. Jacky et son ami ne prennent que sept ans de prison et en sortent en 1986. « Aujourd'hui, j'ai 57 ans. Vous me voyez assis derrière mon bureau, dans ce coin de Champagne un peu désertique, où j'occupe cette grande bâtisse pour réinsérer des gars qui, comme moi, ont connu cette foutue prison. Pendant dix ans, j'ai travaillé dans un foyer à Paris, " L'îlot ", dont je suis devenu rapidement le directeur. " L'îlot " avait pour mission la réinsertion de tous les marginaux. Pour moi, c'était un bon poste avec un bon salaire et un appartement de fonction. Il y avait trente chambres et trente gars, tous sortis de prison. »

Ce fut une expérience fabuleuse, d'une richesse extrême avec aussi des mauvais coups. Mais cela lui a permis de comprendre ce qu'était un marginal car il n'en savait rien. Puis, en 1997, il a tout quitté (une bonne situation et la stabilité professionnelle) pour créer sa propre structure : CHRIST (Centre d'Hébergement de Réconciliation Intérieur des Sans-Toit). « Ma femme est toujours à mes cotés pour me seconder. Je vis avec un salaire de misère, mais je réalise pleinement mon objectif : construire un lieu de guérison intérieure, une thalassothérapie pour les pauvres, un lieu de vie, de ressourcement, de restructuration, de structuration et de réadaptation. Il s'agit d'instruire, de former, d'éduquer afin d'insérer. Plus j'avance, plus Dieu est ma seule question. Je prie plusieurs fois par jour, je lui parle des dizaines de fois, je veux le laisser entrer dans ma vie seconde après seconde. Je me confie à lui.
Et puis, j'ai du respect envers mes compagnons de route, envers ces gens démunis car, même s'ils puent des pieds et qu'ils sentent de la gueule, il y a en eux une divinité »
.

Recueillis par Daniel Genty
Extrait du magazine Les 3 mondes - juillet/août 2003
Jacky Van Thuyne est le directeur de l'association CHRIST et organise des conférences auprès de délinquants afin de leur faire partager son expérience.

==> A télécharger : De la prison à la mission (Jacky_Van_Thuyne.pdf).

Une interview en quatre volets de Jacky Van Thuyne dans l'émission Paroles de Vie :

Bien qu'il ait frôlé la condamnation à perpétuité, Jacky van Thuyne est aujourd'hui un homme libre, heureux, et au service des autres. Le témoignage poignant d'un homme qui n'avat plus rien à perdre... et tout à gagner !

1 - Brutalité humaine, tendresse divine :

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2 - Répression et compassion :

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3 - Coupable, mais libéré :

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4 - Le pardon, c'est de l'auto-nettoyant :

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