Hui Neng

« Chercher la Voie, c'est ne pas la voir ! »
(Extrait du Soutra de l'estrade du don de la loi)


Hui Neng (683-713) est le sixième patriarche du bouddhisme Chan (Zen en japonais), le fondateur de l'école du Sud de l'Illumination subite. Dans ce texte, de son estrade, il enseigne à son auditoire que toute souffrance vient de l'attachement que l'homme porte à son moi puis au monde, un dualisme qui pourtant « n'est pas ». Il fait signe vers la compréhension subite de la vacuité totale de notre nature. « Voir la nature et être immédiatement Bouddha » est au cœur de la leçon de Hui Neng.


Le soutra de l'estrade du don de la loi
Extrait (36)


Le grand maître dit :
« Gens de bonne connaissance,
Pratiquer chez soi est possible ! Il n'est pas nécessaire d'être dans un monastère. Être dans un monastère et ne pas pratiquer, c'est être comme des gens de l'Ouest [les gens de l’Inde] qui auraient l'esprit mauvais, alors que, si vous pratiquez chez vous, vous êtes comme des gens de l'Est qui pratiqueraient à la perfection. Avoir la volonté de pratiquer le pur vide à la maison, c'est être déjà dans les Terres pures de l'Ouest. »

Le préfet demanda :
« Vénérable, j'aimerais que vous nous indiquiez les points essentiels de la pratique chez soi. »

Le grand maître dit :
« Gens de bonne connaissance,
Hui Neng a composé une stance incomparable destinée tant aux moines qu'aux laïcs. Sachez-la tous entièrement par cœur, mettez-la en pratique, et nous serons toujours ensemble.

Voici la stance :

Pénétrer la Doctrine jusqu'à en pénétrer l'esprit est semblable au rayonnement du soleil dans l'immensité vide de l'espace. Ne réfléchir qu'à ce que transmet la Doctrine de l'École subite assure la sortie du monde par la destruction des fausses doctrines.

L'enseignement n'est ni subit ni graduel. Illusion ou intelligence claire dépendent de la lenteur ou de la vivacité de l'esprit. L'étude de la Doctrine de l'École subite ne peut être menée à bien par les sots.

L'enseignement requiert des milliers de moyens, mais toutes leurs divergences convergent vers l'unité. Dans l'antre de vos obscures et secrètes passions, d'un ordinaire instant naîtra le soleil de la bonté.

Les vues fausses sont causes de passions et de souillures que la vue juste fait disparaître. Mais comprendre vraiment que faux et juste sont des notions inutiles, c'est atteindre le pur vide sans reste.

La Bodhi est fondamentalement pur vide. Tout ce qui s'élève dans l'esprit est chimère. La vide nature est au centre de ces chimères. Seule la droiture chasse les trois obstacles.

Il n'y a absolument aucun empêchement à pratiquer la Voie en restant dans le monde : voir constamment ses propres manquements est être en accord avec la Voie.

Chaque genre d'être a sa propre Voie. Adhérez à la Voie, ne la cherchez pas. Chercher la Voie, c'est ne pas la voir ! Croire avoir atteint le sommet, c'est retomber dans les passions ! Si vous voulez voir la Voie réelle, pratiquez le Juste Sentier, c'est la Voie. Si vous n'avez pas l'esprit droit, vous avancerez dans les ténèbres sans la voir.

Si vous pratiquez vraiment la Voie, vous ne verrez pas de faute en ce monde. Voir des sujets de critique en ce monde témoigne que l'on est soi-même critiquable !

Des critiques des autres, c'est le moi qui est responsable. De ces critiques, émises par le moi, on est naturellement coupable. Ce n'est que par la suppression de tout esprit de critique que seront totalement détruits les souillures, les passions, et les vains bavardages.

Si l'on veut réformer les sots, il faut s'en donner les moyens et faire en sorte qu'ils n'aient plus de doute : ainsi apparaîtra la Bodhi !

La raison d'être du Dharma est de ce monde, et c'est dans ce monde qu'est la sortie du monde. Ne quittez pas le monde pour en chercher la sortie à l'extérieur !

Les vues fausses sont de ce monde, la vue juste en est la sortie, mais sachez bien que vues fausses ou vues justes doivent toutes deux disparaître.

Cela, seul, est l'enseignement de l'École subite, aussi nommée Grand Véhicule. L'illusion dure d'innombrables kalpas (1), l'intelligence claire survient en un kshana (2).


1. Un éon.
2. Un instant. Ce texte est tiré du livre Le Soutra de l'estrade du don de la loi, Hui Neng, traduit et commenté par Françoise Morel, Éditions de La Table Ronde, Paris, 2001. ISBN 2-7103-2450-4.

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